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les petites mains

Il y a ces mains. Ces petites mains de la France. Il y a les petites mains d'en bas. Celles qui traînent dans la France. La France de tout en bas et qui soutiennent cette France. Des mains. Des petites mains de France en nombre. Un grouillement de mains. Et qui farfouillent. Ce grouillement qui est au fond. Tout au fond du sac français. Et qui remontent la France. De fond en comble ce grouillement. Ce mouvement de fond. Qui remonte la France de son fond propre. Car elle n'a pas mauvais fond la France. Elles le savent ces petites mains. La France est soutenue par ces petites mains. Les petites mains d'en bas. Qui la tiennent bien. Des petites mains solides. Des petites mains usées mais solides. Nerveuses. A la corne durcie. Des petites mains veineuses et tendues. Calleuses. Des petites mains de travailleurs et de travailleuses. Les travailleuses et travailleurs des arrière-fonds français. Qui œuvrent depuis les fonds. Dans les égouts même. Qui font tout le sale ouvrage. Qui sont le soutènement. Les fondations. Et c'est à ces soutènements de mains là. C'est à ces petites mains travailleuses soutenant les fondations qu'on s'en prend. On s'en prend aux sans-grades qui maintiennent la France encore debout. Encore vaillante. Travaillante. Inépuisante. Grâce à ce sous-peuple. C'est à ce sous-peuple qu'on s'en prend. Petites mains d'en-dessous. Ces sous-mains du peuple. Ce peuple de l'en-dessous. C'est à ces petites mains qu'on s'en prend. Aux ouvrageuses et ouvrageurs d'en-dessous de la souche. De la France des souches. La source des souches qui est pure. Presque pure. Les souches blanches. Encore un peu blanches. Mais qui peuvent devenir moins blanches. D'un blanc moins poli. Moins dressé et poli. Une France souchienne moins jolie. Une France de souche et de crassiers. Une France un peu crasseuse même blanche et en dessous d'elle les petites mains des moins que rien. Les petites mains encore plus crasseuses dessous les souchiens. Dessous les souches les sales pattes de chiens. Petits chiens de race pauvre. De sous-race. Des sans-race même. Des peuples déracés. Des chiens errants dans la France mais qui n'errent pas tant que ça. Au final. Qui travaillent. Des chiens de sous-race travaillante. Remuante. Qui décrasse de partout. Dans tous les fonds de France et c'est à cette sous-race de chien. Cette sous-France dont on s'en prend en premier. Car on leur fait croire à ceux de l'étage du dessus que sa race a un prix. Que sa race vaut quelque chose. Qu'elle vaut presque de l'or. Qu'elle rutile presqu'encore. Que sa belle race va être jalousée. Qu'elle sera prisée. Qu'elle sera même volée si elle ne prend garde. Que sa race sera le butin de ceux d'en-dessous qui n'ont pas la bonne souche. Eux les français de souche on va mêler leur sang bientôt. Bientôt le grand remplacement par le sang. Bientôt la grande conversion des souchiens avec les petits chiens du dessous. Eux les rebuts mais du dessus. Car effectivement ils sont aussi des rebuts. Mais moins. Ils sont les rebuts avec des sous. Les sous de la France. Les sous rutilants du souchié premier. Eux les rebuts avec leurs gilets. Les souchiens jaunes et leurs soucis. Les souchiens sous la pluie. Avec leur gilet jaune de chiens mouillés. Les petits français moins moyens qu'avant. Les français qui ont le regard dans la télé. Les français que la télé française regarde quand ils la regardent. Les français les yeux dans les yeux de la télé. Les français sous colère. Les français des lotissements sous colère. Les soulèvement des sous-riens dans les lotissements avec aussi les anciens chiens. Les vieux chiens qui ont su devenir français. Presque français. Qui ont monté la garde devant la France. Qui montrent les dents à ceux qui arrivent maintenant. Qui montent la garde en grognant dans les chenils des lotissements. Qui ont monté les échelons petit à petit en devenant presque blanc. Blancs grâce à la télévision dans la maison du lotissement. Ils détestent aussi ceux d'en-dessous. La sous-France des racailles. Les sous-français qui font tout le sale boulot de la France de maintenant. Eux aussi ils ne veulent pas qu'on les confonde avec ces autres rebuts. Car eux sont des rebuts mais bien dressés. Bien caressés. Ils ont leur médaille du mérite du boulot-la-France qui les a cassé. Ils ont donné. Ils ont leur petits sous maintenant. Ils ne veulent pas que ça fonde en dessous d'eux. Que ça ruisselle par en-dessous leurs petits sous. Que leurs petits sous aillent tout en dessous on ne sait pas où. La télé leur a dit que ça ruisselait. Et ma télé leur a dit aussi qu'on les confondait. Et qu'on les renverrait chez eux. Alors que chez eux c'est ici pour les rebuts de première classe. Eux ils savent qui sont les vrais rebuts. Et c'est pas eux les vrais rebuts. Les anciens rebeus maintenant qu'ils ont fait leur place. C'est pas eux qui travaillent la nuit maintenant. C'est les autres rebuts. Ces petites mains d'aujourd'hui. Eux ils ont tenu les fondations bien avant. Avec leurs petites mains a eux. Leurs petites mains d'hier. Ils tenaient les fondations avec les souchiens d'avant. Ils bossaient sous terre avec eux. Ils étaient les vers de terre. Les vers de la France qui grouillaient et qui bossaient. La France qui était forte grâce à eux et maintenant c'est fini. Maintenant la France s'effondre alors qu'ils ont gardé leurs petits sous et leur télé qui leur parle à eux. Maintenant qu'ils ont tout pour être heureux. Tout ça qui peut rejoindre la terre du dessous. Tout ça qui part sous terre maintenant. Qui s'engouffre avec la France. Mais il feront tout pour sauver la France et leurs sous. Car ils ont bien été payés. Ils ont en ont eu pour leurs sous en France. Leurs petits sous français. Car ils ont donné leur bras pour la force-France. Ils ne veulent pas sombrer avec leurs meubles. Avec leurs bons voisinage. Avec leur tranquillité. Avec leurs petits sous de France. Ils ne veulent pas s'enterrer dedans. Dans la nuit sans fond de la France. Ils veulent encore être reconnus des bons français. Ils sont les bons français. Même sous la terre de France ils veulent qu'on voit leur face blanchie et ne pas se mélanger avec tous les noirauds qui meurent en méditerranée. Ils sont plus des chiens eux. Mais des anciens chiens. Copains avec les blancs souchiens. Ils savent que pour un blanc un noiraud sera toujours un noiraud pourtant. Même s'il habite le lotissement. Il sera jamais tout a fait blanc. Il aura toujours sur ses mains noiraudes. Il aura toujours sur sa face noiraude et dans ses mains noiraudes. Il aura toujours dans son nom de noiraud la trace du fer qu'on lui a apposée. Quand il est venu pour bosser. Il aura toujours la marque du bronzé. Mais c'est différent. Car on sait. Ils savent. Eux. Les vieux. Les premiers de cordée. Les premières petites mains elles savent qu'elles ont fait le boulot français. Qu'elles ont bossé la France. Et qu'il ne faut pas les mêler avec ces pieds sales. Ces pieds nickelés. Ces va-nu-pieds de la soufFrance. Ces moins que rien qui viennent à pied puis en bateau voler le travail que personne ne veut. Personne n'en veut mais ce n'est pas une raison. Personne ne veut d'eux-mêmes et de leur boulot de la mort de ces petites mains dans les trains. Dans les hôtels. Dans les gares. Dans les supermarchés. Personne ne veut de ces petites mains pour ramasser la merde. Et pour ramasser la France même. Personne ne veut d'eux même la France. La France qui leur fait une fleur. C'est la fine fleur de la France d'aujourd'hui et c'est à elle qu'on s'en prend. Car on ne veut pas d'elle. On ne veut pas pousser sous elle. S'effondrer sous elle. On ne veut pas que le plancher s'effondre entre nous et cette sale race. Le plancher tout fin. On entend tout avec ces murs en France. Ces murs sont fins comme du papier. Et sous nos pieds c'est aussi du papier. Partout la France c'est comme du papier. On entend tout. La fine couche de feuilles qui nous sépare des autres. On ne veut pas connaître ces autres. Devenir ces autres qui n'ont pas de visage. Les sans-noms de la France. On veut garder cette fine couche de papier. Ces lignes de feuilles entre nous et ces mains-là. Nos mains et nos lignes. Nos belles lignées au-dessus de cette crasse. Ne pas être au même niveau que la crasse du dessous. On a déjà la nôtre de crasse au-dessus. Une crasse un peu propre. Une petite crasse de mains blanches. Ou demi-blanches. La crasse des presque mains propres. On a déjà cette fine pellicule sur nous. Mais on sait la dissimuler. On sait se cacher de notre crasse. On a intérêt à savoir s'en cacher. On sait comment laver nos petites mains car on s'intéresse encore à nous. Nos mains ont un certain intérêt. Car on dépense nos sous. On ne fait pas fortune mais les fortunés savent que sans nous ça irait plus mal encore. On irait encore plus en dessous. On irait tous sous terre pour eux. Alors on fait des efforts. On dépense tous nos sous. On suit le cours des prix. On acquiesce. On moufte pas. On s'écrase devant les prix. Même mamie. Même papi. Tout les petits petits s'écrasent devant les prix et pas l'inverse. Aucune lutte n'est possible devant les prix. A part celle de s'écraser. Se laisser étouffer. Etrangler. Se laisser périr par les prix. Se faire ratatiner par les prix et ratatiner l'autre du dessous aussi. Par la même occasion. L'autre sous-saloperie au prix de l'effort consenti. Et tout ça pour le même prix. L'autre sous-saloperie qui comprend rien. L'autre rien de la société des petites mains. L'autre sans le sou. L'autre sous-main sans race et sans devenir ici. Sans son devenir-main. Alors que nous on a déjà nos soucis. On sait qu'on a un demain bourré de soucis. La politique nous le dit. La politique nous serre la main. Elle est sourcilleuse. Elle cherche des solutions pour nous. Elle nous parle à nous la politique. Elle nous fait des clins d'œil. Ça va aller. Ça va bien se passer. Elle nous caresse la jambe la politique. Elle nous fait des ronds de jambe la politique. Elle nous prend la main. On est dans sa main la politique. On lui fait le baisemain. Qu'elle ne nous lâche pas. Qu'elle fasse rien sans nous la politique. Qu'elle nous caresse qu’on ne lui résiste. On a des mains trop fatiguées. Mais on a encore de belles mains. Des mains bien racées. On a la force avec nous. On serre encore fort la main. On serré nos sous. Alors la politique nous fait des sourires à nous. Elle nous fait des mimiques la politique. Elle nous fait des guili-guili. Elle nous fait des coucous car on comprend tout. Elle est avec nous la politique. Elle nous comprend parfaitement. C'est à nous qu'elle demande des efforts. Elle compte sur nous la politique. Sur nos mains. Car nous on est les vraies mains françaises. On est les vraies mains de la France. La vraie race de demain-la-France et en dessous d'elle. Là dessous nos petites mains il y a les sous-mains. Et dedans les sous-mains tous ces morts qui remontent. Ils remontent dans toutes les mains des sous-mains. Toutes ces morts de ceux qui sont tombés sous la main française. Toutes ces morts qui ont travaillé pour les mains. Les mains blanches. Les belles mains qui n'ont pas travaillé. Les belles âmes de mains qui ont fait faire le travail en sous-main. Le travail accompli par les morts. Les morts-aux-mains tombés pour les belles mains. Et ces doigts de sous-mains. Ces doigts de sans-le-sou qui fourmillent de tous ces morts. Ces morts qui s'agitent encore en dessous. Ces morts dans les petites mains des sous-mains. Ces sous-mains qui sont à ces sous-humains. Ces sous-humains avec la mort aux mains. La mort dans toutes ces petites mains. La mort qui usine dedans. La mort dans les galeries veineuses. Sous-petites-mains veineuses et nerveuses. Mais aussi véreuses. Grouillantes de vers de toute la mort de France. La mort en France qui grouille dedans. Dans ces tunnels. Ces galeries. La mort qui roule sous les doigts. Toute la mort en France qui passe par ces petites mains. Ces petites mains de sous-humains qui conduisent la mort en France. La mort qui va dans le mur de la France. La France au mur. A tombereau ouvert. La France pour la mort est mûre. Les petites mains qui conduisent la mort dans ses galeries. Des galeries souterraines pour la France qui par elle seule va dans le mur.

TXTCod a codifié ce texte, intitulé "Vague lente" : Un texte court qui demande plusieurs jours de lecture.

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De la part de TXTCOD, ce texte, intitulé ici Vague lente, qui fourmille à l'intérieur de courants sonores différents et remuants ; chaque mot ou groupe de mots a son image acoustique qui correspond ou pas au sens qu'il donne, car parfois c'est l'inverse total (comme une diode en polarisation inverse?), ou alors le son des mots guide vers le mot qui suit (mot d'une fin de phrase par exemple) et qui, lui, ne dira rien (en en disant trop!)  par son bruit qui fait sursauter le sens (et les oreilles du lecteur, sans aucun doute) si l'on déplace bien entendu le fameux mulot à molette... Bravo au TextCodeur pour cet ouvrage de patience!

brocards

Quand il le voulait il se mettait à écrire. Ce n’était même pas quand il le voulait. Il y avait une force qui voulait pour lui. La force venait et il écrivait. Il se lançait dedans. Il se mettait en plein dedans. Dans le milieu même de son geste. Il commençait toujours par le milieu. Il investissait le mitant de ses phrases et il faisait couler son geste dedans. C’était le geste qui lui venait. Non pas la pensée. La pensée venait de par le geste. Elle était produite par le geste même. Comme un raisin qui pousse sur la vigne. Son bras ligneux de vigne. Son bras et sa main. Sa main veinée de lignes et ses doigts qui guidaient. C’est comme ça que ça lui poussait. Il lui poussait un écrit sans qu’il sache où ça le mènerait. Comment il récolterait les fruits de son écrit. De sa pensée. Sa pensée poussait comme un fruit. Mais il ne savait vraiment comment. Tout ça se faisait si lentement. Si patiemment. Comme des lignes qui montent. Des lignes qui font monter la sève en dedans. Des creux qui demandent à remplir. C’est par les creux que venait se remplir l’écrit. L’écrit était creux par chez lui. Il fallait toujours qu’il vienne caresser sa feuille. Sa feuille de couperet de boucher. Ou sa feuille d’eau. Et de papier. C’est comme un animal sa feuille. Il lui fallait gratter. Comme s’il brossait un cheval. Il en tombait de l’écrit. Il voyait éveillé de l’écrit qui tombait de ses tranches de feuilles. Eveillé il rêvait de l’écrit. Des lettres qui tombent depuis tout ce qui existe. Il lui fallait ramasser ensuite. C’est comme ça qu’il faisait. Il ramassait tout le parler. Le parler venait. Personne n’en faisait jamais rien. Parfois même il fallait l’extraire. Personne jamais n’en extrayait rien. Le parler continuait sa vie. Sa vie de paroles en l’air. Et l’air jamais n’intéressait personne. Alors il prenait ce parler qui ne valait rien. Il en faisait des brocards. Il brocardait sa poésie même. Toute sa langue il l’a brocardait avec des mots de bric et de broc.

Petite bande, éditions P.O.L, mai 2023

petite bande pol

« Petite bande » est constitué d’un ensemble de textes, de poèmes, de phrases sur les doigts, les mains, les visages. « Petite bande » est formé d’écrits, souvent dessinés autour de profils « perdus ». « Petite bande », ce sont des dessins « écriturés », faits de binettes et de mots écrits à la main ou tapés à la machine. « Petite bande » est fait d’écrituries, d’échos de voix sur la montagne, de pensées projetées par les éléments, beaucoup de traits, de coups de feutre, de tracés au blanco sur des pages noires. Il est question de lumière, de formes ; ça questionne les dehors, les dedans. Le thème qui revient est celui de l’écriture, celle qui vient des dedans. Les paroles, elles, viennent des dehors. Les morts, eux, sont partout, qui parlent même en nous. Il est beaucoup question de corps aussi, de rire aussi, et de poésie. « Petite bande », c’est la poésie, la poésie qu’on lit ou qu’on regarde. « Petite bande » parle de l’écrivain, de l’artiste, à qui Charles Pennequin tente de rendre hommage, à travers des chapitres et des styles différents, et par des poèmes ou des dessins. Des dessins-poèmes.

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