Il est flic. Il est le collègue du flic. Le flic de toute à l’heure. Il est flic il s’enferme avec sa collègue dans la salle des archives. Puis il se met à pleurer alors on l’envoie à l’hôpital psychiatrique. Il est flic, il pleure, alors on l’enferme chez les fous. Il est amoureux de sa collègue, ils le foutent en cellule. C’est pas une cellule de dégrisement, c’est une cellule pour se désamourer. Toute la brigade s’inquiète : On est chez les fous ici. Pas le droit de porter ses propres vêtements. Alors on lui retire son arme. Alors on le bourre de médocs. Alors on lui retire ses lacets, sa ceinture. Alors la psychiatre du centre lui passe un savon. Il est flic, il est fou, il n’est plus que flot, que cris. Il est en rage, alors on lui retire tout. Il doit mettre une bouse bleue et on le boucle en cellule. Il doit rester enfermé trois jours durant dans la cellule pour fou. Puis il sort dans le centre psychiatrique, il y a un local où les gens fument. Il voit une femme qui lui dit qu’il vaut mieux chanter. La femme connaît un homme qui chante. Elle lui dit, C’est mieux que de pleurer chanter. Sa collègue passe le voir. Il est amoureux de sa collègue mais il dit trop rien. Il dit, Ça va mieux. Ça va bien mieux, oui oui. Puis il rentre chez lui. Il avoue tout à sa femme. Il est flic il habite à Beuner. Il loge dans le grand Beuner, avec sa femme et sa moto. Il fait de la moto dans la nature, près du grand Beuner. Il aime rouler seul sur les petites routes du grand Beuner. Il arrête sa moto pour se dégourdir les jambes dans la nature. Il marche, il est flic, il s’appelle Lou Ravi. Et il aime la nature. Il marche dans la pâture. Il préfère le mot Pâture au mot Nature. Nature, il voit pas trop ce que ça veut dire au fond. Au fond du fond dans Nature il y a trop de mots. Y a trop d’autres mots pour lui. Il y a aussi tout l’espace dans la nature. Ou l’inverse. Quoiqu’il en soit, pas sûr que le mot Espace prenne en compte totalement Nature, mais sans doute que Nature a au moins un pied dans Espace. Mais pas sûr, se dit Lou Ravi : Nature ne peut avoir qu’un seul pied dans Espace et il faudrait les deux de dedans ou rien. Il faut que le mot ait les deux pieds dans le même sabot, mais avec Nature on n'est jamais sûr de rien, se dit Lou Ravi.
Lou Ravi le mot Nature il recouvre vraiment quoi au final, se dit-il ?
Il recouvre Pâture, ça c’est sûr. Pâture et Près et Champs, certes. Forêt aussi, oui. Et Montagne mer animaux, ok. Tout ça se retrouve dans Nature, ça veut dire que dans Nature il y a aussi le mot Mort, pense Lou Ravi. Mort et Vivant prennent place dedans Nature et bien sûr il y aura toujours un esprit tatillon pour dire que les pierres c’est vivant, hein ? Dans ce cas c’est quoi qui n’est pas vivant, se demande Lou Ravi, Espace recouvre tout ça déjà, il recouvre le vivant et le mort tout pareillement et en plus grand, puis il prend en charge aussi le vide. Le vide entre les planètes et les planètes avec, Nature lui prend pas en charge les planètes ni le vide, se dit Lou Ravi, Espace prend tout lui et le soleil avec. Tout ce qui est vivant et mort est contenu dans Espace, pas besoin de Nature alors, se dit Lou Ravi en marchant dans la pâture. Mais ça fait trop pour Lou Ravi le mot Espace. Ou alors il faudrait mettre Cosmos. Avec Cosmos on peut penser aux martiens, se dit-il. Avec Cosmos on a tous les mots qui peuvent déferler. On est dans le déferlment permanent de mots comme après un orage et qu’on n’a pas fermé toutes les fenêtres et qu’il faut courir. Cosmos c’est comme dit le poète avec son orage qui devient charrette à mots. Lou Ravi préfère la nature à la charrette à mots du Cosmos quand même, car dans la nature il voit des mots qu’il peut toucher. Il les touche du regard. Il regarde de près ou d’un peu loin. Il voit les lointains, ou les mottes de terre tout près.
Les mots qui lui plaisent en général sont pas très loin.
Il y va à pied. Il marche dans les pâtures, dans les prairies. Il cherche des champignons. On voit des bouses de vache. Son corps avance vers les grillages, les fils barbelés distordus et les carrioles laissées à l’abandon. Il est à l’ombre et ouvre la bouche, cligne d’un œil face à la vitre sale de la vieille Simca, près de l’abreuvoir aux vaches.
« MOI – Aller où boivent les vaches »