Si le Rock avait ressemblé à cela, mon Dieu[1] !
Si le Rock avait ressemblé à cela, mon Dieu! Si mon Dieu le Rock avait eu cette exigence et cette simplicité. Cette sauvagerie aveugle. Si le Rock avait pris un tel coup de soleil. Un tel coup de bambou, mon Dieu ! Si le Dieu Soleil avait cramé les mains et les âmes des Rockers pour produire ceci ! Si le Rock avait été à ce point vivant, incandescent, avait été cette danse du soleil et du meurtre du vivant ; meurtre de l’humain pour redevenir un ours ! Si le Rock s’était à ce point oursifié, avait autant joué de la flûte que de la guitare, ou n’importe quoi qui passe par-là, du moment que ça accompagne ce qui se trace dans l’air. Si le Rock se dansait à l’air libre la nuit, continuellement, comme les derviches tourneurs, faisant feu de tout bois de guitare. Si le Rock avait été à ce point attaqué, si vibrant, remuant les murs comme autrefois on les enduisait pour les peindre. Peindre la chasse. Peindre la mort comme autrefois, quand on voyait les ombres qui dansaient en peignant grâce au feu dans la grotte. Peindre le feu de Dieu avec des sons ! Si le Rock avait tordu à ce point les cordes et pas que des cordes de guitares ou vocales, mais que l’expérience de la vie et de la mort entre en son cercle, en son nœud ; que l’existence se produise par la danse tournée jusqu’à la perte de la mémoire ; que les danseurs finissent tous morts à la fin des morceaux. Alors le Rock se serait appelé autrement : il se serait fait appelé Catalogue ! Le Rock est un catalogue mais Catalogue, Lui, dépasse le Rock ! Il le détrousse. Il le désosse. Et l’os ça veut dire l’ours, oui ! Catalogue est un os, c’est-à-dire un ours, c’est-à-dire une musique qui griffe les troncs et chante pour les murs ; une poésie chantée non verbale ; des glossolalies qui sortent d’un corps ; des borborygmes de machines ; une danse de marteaux lancés en l’air, car Catalogue peint la vie au marteau. C’est une peinture lancée comme un cri et qui n’en finit jamais, dont le son creuse la fatigue des nerfs ; Catalogue est un beau pèse-nerfs ! Pour en finir avec le jugement de Dieu, justement ! C’est du non-humain fait par des humains. Catalogue est un groupe d’assassins, c’est de l’assassinat humain fait par de l’humain, certes ! Mais après cette danse c’est fini ! Après c’est un Dieu ! Un Dieu qui tue. Et se tue ! Catalogue c’est une divinité qui s’est enfin oursifiée ! Avec ce disque la divinité ne bouge plus de la grotte et respire enfin à nouveau. Ouf ! Le Rock peut aller se recoucher.
[1] Assassins, du groupe Catalogue, CD enregistré et produit par Jean-Marc Foussat en 2024.