Ce sont les morts qui écrivent dans mes doigts
ce ne sont pas les miens
ils ne sont pas mes morts
et même s’il y a des morts miens
ce ne sont pas mes doigts
les doigts ne sont pas dans mes mains
il y a des mains non miennes
dans des doigts qui ne tiennent pas des livres
ce ne sont pas mes livres ils sont dans des mains et les mains
bougent leurs doigts depuis les morts qui sont dedans
les mains repoussent les morts qui vont dans les doigts
elles repoussent l’idée du mort mien
le mort mien arrive après moi et mes doigts
mes doigts apparaissent quand me poussent des mains avec des morts qu’on tente de repousser dans les livres
il y a comme des voix mais des voix de corps qui poussent depuis les livres
ce ne sont pas mes mains qui repoussent dans les morts
les morts poussent dans des voix
comme les cors aux pieds
des têtes de corps aux pieds dans des bouches
et des ongles incarnés
il y a des corps de pied-paquet
pour éclaircir les voix
des voix d’écrits de morts qui poussent
depuis les articulations
il y a des morts qui poussent dans le corps et se perdent
il y a des voix qui se perdent dans l’écriture
il y a de l’écrit partout qui voit pousser des doigts à l’intérieur de moi-même
il y a des morts qui écrivent dans mes doigts
ce n’est pas moi
moi je ne suis pas dans mes doigts qui ne sont pas dans mes mains
ce sont des mains d’écritures qui poussent
ça pousse et disparaît sous les voix
il y a des voix qui poussent en dedans mais on ne les écoute pas
pas plus qu’on écoute ses doigts
on écoute pas les doigts qui grattent en dedans on écoute plutôt des voix qui se perdent au dehors
les voix grattent depuis dehors puis elles sont dans des conduits les voix sont conduites à travers les mains et les mains circulent dans les doigts les mains font circuler des voix et il y a des voix qui parlent aux doigts et il y a des doigts qui n’écoute pas
les voix notent qu’on ne les écoute pas il faut toujours que les doigts saisissent plutôt les voix qui ne sont pas écoutées
il faut toujours que des mains viennent tracer des doigts de non-écoute à partir de voix qui ne s’entendent pas elle-mêmes
il n’y a rien qui s’écoute quand on parle
il y a juste un débit qui pousse à faire taire les voix
c’est pour ça que les voix n’écrivent pas
les voix poussent depuis des morts non écrits
alors que les morts écrivent depuis des doigts non siens
c’est les doigts non siens qu’on écoute
on n’écoute que du non-soi car soi c’est les siens à travers une multitude de morts qui poussent dans l’incognito
les morts poussent dans l’incognito des doigts
ils poussent à s’inconnaître en soi
on s’inconnaît depuis les écritures que font pousser les morts avec des mains qui ne savent jamais rien
les mains non sues de morts qui poussent depuis moi pour rendre gorge à un quelconque écrit mien
il n’y a pas d’écrit mien plus inconnu que venu depuis des doigts qu’on croit être des nôtres
des doigts qui poussent dans des mains et des mains qui ont des voix qu’on prend jamais le temps d’écouter
on n’a jamais pris le temps de s’écouter les doigts
les doigts ne s’écoutent pas
ils s’enfoncent depuis les oreilles
et depuis les trous de morts
qui n’ont plus de nez
il n’y a plus rien à récurer de soi les morts ont tout poussé
au dehors et le dehors revient dormir en chien de fusil
dans les articulations
ce sont les morts qui poussent dans les doigts
ce n’est pas moi le moi est un état plié
de ce qu’on n’a jamais pris le temps de vivre
la mort est un état de soi de qu’on n’a pu vivre
c’est un état de c’est comment qu’on n’a pas pu
on ne peut rien que vivre en dehors de tout ce qu’on n’a pas pu
on ne peut rien que vivre en dehors des mains
qui parlent et des gorges qu’on a déployé
sur des lignes qu’on trace dans l’air
car c’est depuis l’air qu’on pense
qu’il faudrait y accrocher nos doigts
pour reprendre l’écriture
il faut repriser l’écriture depuis les doigts
qui s’accrochent au vent de où ça aurait dit un truc
c’est des doigts de morts qui poussent dedans des voix
qu’on n’a jamais voulu retenir
les voix ne s’appartiennent que depuis la mort de soi
c’est depuis soi qu’on tire la mort qui ferait parler des vivants
je ne sais pas ce que je peux écrire dans mes doigts
qui me reviennent depuis le non-écrire
il ne me revient rien depuis moi
que des bouts de doigts déjà grattés sur tout ce qui s’est tu
c’est de la mort du dehors qu'on voudrait toujours remplir nos mains
je me suis fait la peau et la main dure de l’écriture
je me suis fait la main avec l’outil d’écrit
et la peau je me la fais d’un dedans à tourner
et retracer et décercler et sillonner depuis la tête
qui s’est trouée de tout le plein de parler
et il faut aller chercher l’écrit dehors
depuis la bête longitudinaire
la bête dure et longitudinaire
qui fait la main d’écrivain
la bête rongée longitudinaire et latitudinaire
qu’on sort depuis les glottes qu’on n’a pas en nous-mêmes
nous ne sommes pas depuis nos glottes
mais depuis le parler longitudinaire latitudinaire à nos voix
et qui est un outil de fer qu’on taille depuis sa bouche
c’est fatigant d’écrire
il faut se reposer les mains
la tête n’y est pour rien les mains
vont pour trouver des bouches trop ouvertes dans le parler
le parler ne sait faire que du bruit
un bruit de forge un métal à forger par retour de bande
c’est la petite bande des écrits
la petite bande qui défie son parler
les écrivains sont ceux qui écrivent devant leur main
ils sont devant leur main comme devant la mort
ce sont les morts qui reviennent dans les mains inertes d’écrivains
ce sont les morts qui écrivent dans les doigts
qui font pleurer l’écrit dans des mains d’écrivains
des mains inertes d'écrivains
les morts pleurent depuis les mains d’écrivains
les mains inertes d'écrivains
les morts écrivent depuis la vie ils remontent les doigts formes ces excroissances qu’on voit bouger en soi pour écrire
les morts bougent ils forment une écriture entourée d’inertie
les morts montent depuis leur inertie et travaille le vivant
le vivant est l’aristocratie de l’existant
il y a une masse intelligente qu’on ne voie pas elle est inerte la masse intelligente ne colonise rien elle se développe pour elle elle est une masse une pensée inerte dans un texte
elle ne cherche pas à coloniser le vivant
le vivant est un retour de bande depuis les doigts
il est toujours trop tard quand on va vers soi et c’est le retard même qui fait le vivant
la parole est l’acte même de retarder
nous serons là quand nous serons raccord avec les doigts
quand nous écouterons l’écrit qui passe en soi
l’écrit qui file dedans l’écrit qui passe et repasse comme une bobine
comme une bobinette dans sa canette
l’écrit passe comme la fusette depuis les doigts
une fusette d’écrit dans la bombette
la bande tourne
la bande roule et tourne
tourne la fusette depuis la rochette déroule la bobinette et la tourette dévide le sens avec sa tirette
les morts écrivent depuis les doigts ou plutôt les doigts sont remplis de la mort écrivante
la mort qui mord qui fait que le doigt entoure la trace du vivant dans l’existant
ce sont les morts qui m’écrivent ils sont dans les mains
ils vont dans les doigts
j’ouvre les mains : je les vois
j’ouvre les doigts : je les vois
je vois des doigts pousser au bout de mes mains
les doigts de morts de mains
je sens les têtes monter je sens la mort qui monte aux mains
elle en vient aux mains la mort est aux mains elle monte à mes mains elle charrie les morts
la mort monte dans l’écrivain
la mort est montée dans ses mains
il sent les têtes peser
il sent la pesée de tête depuis ses doigts
il sent dans les mains la poussée de têtes qui lui viennent dans les doigts
les doigts montent des morts leurs têtes s’empilent dans les mains les doigts des mains montent il vont à la tête les têtes montent dans les doigts s’empilent les têtes de morts s’empilent
ce sont les têtes de doigts qui vont à la tête des mains
les mains pèsent contre la tête
chaque main est une pesée contre la tête
la pesée des morts qui tient tête
l’écrit vient de têtes mortes l’écrit pèse à la tête il monte dans les mains la pesée fait rouler ma tête dans les mains inertes d’écrivains
on entend le roulement quand on s’approche de l’écrit
on entend que ça roule bien
que ça vient
les morts entendent mieux que les vivants les vivants écoutent rien
la pensée n’arrive pas c’est le geste qui arrive le geste prend la pensée qui arrive le geste pense en lui c’est le geste qui fait arriver c’est dans le geste que l’arrivée pense en lui le geste a la pensée et l’entortille une pensée tortillée une pensée chevillée à sa vitesse c’est dans la rapidité d’exécution c’est dans la torsion sa rentrée son resserrement puis sa sortie c’est quand la langue sort que ça pense c’est entre les dents entre le machouillement le claquement des dents c’est dans la cadence du corps et dans l’époumonement dans sa manière de lécher gratter lacérer lâcher souffler racler tournoyer c’est dans les yeux serrés puis tout ronds puis il a les mains tendues les droits crispés il a les jambes repliées et tend son corps oui c'est dans son corps tendu et dans la bouche les dents la luette et le gosier larynx et puis la glotte et c'est enfin le corps entier qui passe aussi dans un seul cri c'est aussi tout autour de soi c’est dans les environs et ça va dans les murs et puis dans le sol même c’est dans la cognée de tout enfin que ça vient penser
dès que ça sort ça ment
dès que ça sort il y a des choses qui nous mentent
nous ne mentons pas dans nos bouches
mais dès que la bouche sort de sa voix
la bouche sort de sa présence
la voix est la grande absente de notre bouche
dès que la bouche sort la bouche ment
car il y a tout le bout qui sort et se contredit par la voix absente de ce qu'elle dit
dès que nous parlons nous sommes absents c'est-à-dire que nous entrons en contradictions avec nos dires
nos dires sont nos propres contradicteurs
nous voulons aller de l'avant
nous filons droit
nous disons et la bouche fait tout taire
la bouche fait tout taire
la bouche ment
Les doigts sont des trous qui nous cernent. Ils nous cernent en creux. Les doigts sont les morts qu’on a creusé pour écrire. On fait des trous pour parler aux morts. Les mots sont dans nos doigts pour écouter le trou qu’on fait quand on parle. La bouche parle depuis un trou qu’elle a creusé dans la tête.