Il faudrait rien leur dire, rien leur passer. Rien leur dire mais rien leur passer quand même. Car ils & elles veulent la peau au langage. Le petit langage qui traîne dans les ruettes. Les voyettes. Rien leur raconter du petit langage qui sort d’ici ou là, car ils & elles le méprisent. Ils & elles meprisent tout le parler petit. Toute la misère langagière, ils & elles n’en ont que faire, elles & ils préfèrent parader avec leurs grosses bottes du parler, le beau parler des villes qu’ils & elles transposent à la campagne. Car elles & ils ont gagné les campagnes après avoir gagné les villes. Ils et elles ont saturé les villes de mots, de pensées. Toutes les pensées de ville, pensées de livres qu’elles & ils ressortent pour apprendre le bien parler. Elles & ils parlent du lisier mais avec le langage des livres, la langue du beau parler qu’elles & ils sortent des conférences. Ce sont des poètes conférenciers. Des poètes de la culture cultivée. Des poètes sociologiques. Elles & ils font socio et logiques et viennent parler des paysans aux paysans. Ils & elles parlent à la place des paysannes et des paysans. Elles & ils parlent à la place de leurs parlers. Ils & elles se disent paysannes ou paysans responsables. Eco-responsables. Eco-poètes. Poétesses & poètes avec des feuilles dans les cheveux et une langue à la Bourdieu. Elles & ils ont toujours eu des bonnes notes dans leurs lycées privés. Elles et ils ne viennent pas de lycées agricoles. Mais elles & ils viennent donner des leçons aux agriculteurs. Aux femmes d’agriculteurs. Aux arriérés qui parlent mal. Mal éduqués. Mal fringués. Rustres. Bouffeurs de saucisses. Chasseurs de gibiers. Bouffeuses de viandes. Viandardes et viandards. Qu’elles & ils crèvent tous dans leurs bagnoles. Qu’ils & elles arrêtent de polluer la campagne, la mer. Qu’ils & elles explosent avec leurs fermes industrielles. Qu’on les remembre de paroles instruites, éduquées, poétiques.