1) Comment composez-vous vos textes, pourriez-vous décrire brièvement un processus de création ?
C’est très variable, je peux faire une improvisation au dictaphone, me filmer et parler, gesticuler dans la parole, faire de la voiture et dire une phrase en conduisant, écrire sur ordinateur, sur papier, dans un carnet, si j’ai une « idée », je mets entre parenthèses car ce n’est pas vraiment l’idée mais une poussée qui vient après différentes choses perçues dans la vie, la conversation avec un tiers, des paroles entendues, internet, la philo, les livres, tout ça à un moment donné ressort dans un texte.
2) Cette création passe-t-elle ou non, en premier lieu, par une oralité des mots dans le processus de sa composition ?
Pas forcément, si j’écris je fais travailler la tête et les doigts, sinon c’est la bouche qui articule et qui fait danser dans l’air ce que je pourrai penser. Eructation / Gesticulation / Explication
3) Pensez-vous à un moment vos textes en terme de mouvements ? Quels seraient-ils et par quelles parties du corps pourraint-ils être amenés ?
Bien sûr, c’est une poésie en acte. De la Poésie-Action. Je peux faire par exemple une écriture avec ma tête en maintenant de gros feutres Poska, un rouge et un noir, sur un rouleau, cela forme une écriture graphique. Le geste est important dans l’Art-performance.
4) Ainsi, quelle place accordée au geste dans le poème ?
La place accordée est celle d’une création souvent en public (mais pas seulement), donc c’est une écriture orale qui traverse différents poèmes lus à cette occasion.
5) Quel rapport entre l'aspect visuel des mots sur la page et, dans le cas de textes destinés à être clamés, leur finalité sonore ?
Il n’y a pas que l’aspect visuel des mots sur la page, il peut y avoir l’écriture qui fait poésie visuelle, mais pas seulement, ça peut être dessin et écriture mêlée, c’est-à-dire que tous mes dessins sont pour moi de la poésie, ont à voir avec la poésie plus qu’avec le dessin des dessinateurs, c’est comme quand je cours dans une rue avec une go-pro en train de dire un texte, je ne fais pas de la performance sportive, ça n’a rien à voir avec du sport extrême ou je ne sais quoi. Donc en fait le visuel chez moi est très important, de plus en plus même. Pour ma part, c’est la poésie dans tous ses états, le centre étant ce que je dis, ce que je mets comme sens là-dedans. Il peut y avoir dans une soirée « lecture » un moment où je vais montrer des videos, ou faire des choses physiques, comme j’ai fait par exemple avec le danseur Dominique Jégou, où il y a un rapport très physique entre nous deux.
6) Diriez-vous que vos textes sont voués à un destin oral ? Comment l'expliqueriez-vous ?
Pas forcément, certains me disent cela mais quand j’écris un livre c’est aussi pour être lu dans sa tête, pas forcément à haute-voix, bien sûr certains m’ont déjà dit ça mais pour ma part, quand je lisais par exemple L’Innommable de Beckett je ne le lisais pas à voix haute et pourtant il y a une dimension orale, tout comme chez Céline, chez Péguy, chez d’autres encore. Cependant il y a des textes écrits dans les livres que je reprends pour la lecture mais parfois je les retravaille, pour moi la lecture est une écriture. On écrit la lecture. Donc il y a plusieurs champs possibles et ils ne se contredisent, ils se complémentent.
7) Comment pourriez-vous qualifier votre "danse intérieure" ?
La formuleriez-vous en ces termes ?
Ne plus dire
Je fais des lectures
Je fais des perfs
Je fais des perfs-lectures
Ou des lectures-perfs
Je fais des poème-actions, je m'actionne
Et j'écris-tape
Je tape dans le lard de l'air, je m'escrime
À parler, je dansouille
Et me traverse et fais l'arsouille
Je me gesticule et me art-
icule et invective ainsi
Ma vie.