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TXTCod a codifié ce texte, intitulé "Vague lente" : Un texte court qui demande plusieurs jours de lecture.

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De la part de TXTCOD, ce texte, intitulé ici Vague lente, qui fourmille à l'intérieur de courants sonores différents et remuants ; chaque mot ou groupe de mots a son image acoustique qui correspond ou pas au sens qu'il donne, car parfois c'est l'inverse total (comme une diode en polarisation inverse?), ou alors le son des mots guide vers le mot qui suit (mot d'une fin de phrase par exemple) et qui, lui, ne dira rien (en en disant trop!)  par son bruit qui fait sursauter le sens (et les oreilles du lecteur, sans aucun doute) si l'on déplace bien entendu le fameux mulot à molette... Bravo au TextCodeur pour cet ouvrage de patience!

Demain c'est toi, chère ombre

demain c'est toi, chère ombre.

on a son ombre

qui se projette.

en qui se

projeter.

 

on se projette

en nombre d'ombres.

on est projeté

dans le viseur.

c’est le viseur

de l'ombre.

 

car hier tu jouais

à être une ombre.

et je me retournais

pour te voir.

 

voir le viseur contrarié.

dans le viseur

de l’ombre.

 

l’ombre contrariée

se détournait.

tout en me

projetant. Demain,

dans des images

sans elle.

 

on est sans cesse

à se traquer dedans

nos phrases.

 

On traque

nos phrases.

comme celles qui

venaient de toi,

chère ombre.

 

ça ne venait pas

de toi. mais

de ta tête.

 

c'était une phrase surtout.

une phrase de tête.

qui est venue

dans l'oreille.

puis est ressortie

de ta bouche.

 

et je l'ai reprise.

 

on n’est que des

reprises de phrases,

de voix.

 

demain c'est toi,

chère ombre, qui

reprise, et puis ce

sera moi.

 

tous les jours sont

nos demain

à repriser.

dans le présent, dans

ce qui file comme dans

cette rue. cette rue

de Forcalquier (je peux?).

 

Forcalquier

où la phrase

a sonné pour toi. moi

je ne l'avais pas

entendue, mais tu

l'as répétée. et je

l'ai reprise

à mon tour.

 

 

je voulais t'écrire sur ce

que j'avais projeté

dans ma tête.

 

à partir d'une autre

phrase à filer.

 

j'avais envisagé

de scotcher ta tête.

avec de gros poska

et une fois les feutres

noir et rouge.

adhérant au haut

du crâne, taper

la pointe de ces gros feutres.

avec ta tête,

faire un balancement

de la tête.

comme les canards.

 

cogner en rythme ton front.

sur la feuille d'un carnet, dire

en même temps.

je n'écris pas,

je n'écris pas,

je n’écris pas, continuer

le balancement. taper

sur la feuille

avec le feutre au crâne.

 

et puis tourner la page.

tracer sur une autre feuille.

et tout ça demanderait

d'improviser.

 

tout ça demanderait

d'inscrire un rythme.

de colorer la feuille, tourner

les pages.

 

comme si je lisais

un texte, puis j'ai pensé

ensuite à écrire.

tout en parlant, mais écrire

autre chose.

que ce que je disais, opérer

une disjonction.

entre ce qui sort

de la bouche.

 

et des mains, mais

je n'ai rien fait.

 

cet élan s'est perdu

la veille, le lendemain.

 

j'ai pensé à autre chose, le moment

était venu de t'écrire.

 

de penser à demain. partir.

 

depuis un élan autre.

 

celui qu'on s'est donné dans la rue.

 

avec cette phrase

résonnant sur les murs.

de Forcalquier demain.

 

demain on parle

aux murs. chère ombre, demain

on parle aux murs.

de Forcalquier.

Déferlant lent

Nous sommes tracés. Nous sommes parlés aussi à partir de nos traces. Ce sont nos traces. Nous sommes des tracés de nos traces. Nous voulons respirer en dehors de nous, c'est-à-dire de nos traces. Nous ne sommes que des détracements de traces. Nous faisons face à nos traces en nous effaçant. Nous faisons face dans l'effacement comment. Comment effacer nos traces. En nous décerclant de l'écrit. L'écriture est un cercle. Pour nous décercler, il ne faut plus de traces, ou alors des traces qui détracent notre encerclement. Nous décerclons en parole. Nous sommes des décercleurs. Notre parole est notre décerclement. Notre parole doit effacer nos traces dans le parler. Comment s'agiter autrement dans ces cercles concentriques. Comment se débarrasser de toutes ces langues encerclantes sinon en déparlant. Comment s'arracher des parlers qui nous suivent à la trace. Comment faire pour se déparler. Comment faire pour se défaire du langage en opérant un décerclement en soi-même. Il nous faut nous défaire des mots qui nous encerclent trop. Les mots qui nous suivent à la trace. Détraçons les mots en les traquant. Détraquons le parler en lui faisant face. Nous faisons face en écrivant, c'est-à-dire en déferlant. La poésie déferle. La poésie est une déferlante dans le lent. La poésie lentement fait déferler le lent. Tout ce qui est lent est déferlé depuis les dedans. Toute la poésie se répand comme une vague. Nous sommes une montagne qui déferle en vague lente. Nous sommes un déferlant lent. Une déferlante lente.

Depuis le Cosmos

Nous sommes le chant du manque à soi

le chant du chaînon reversé au vide

de Je. Nous sommes le chant

de la somme de l’appartenance

à rien. De la division chantée dans

dans le vide de l’individu.

L’individende du Un

vendu à tous les vents.

 

Nous sommes le chant des plus-tais-rien

qui habitent le Taisant

tout en parlers de travers.

 

Tous nos lieux sont envahis

par les lointains.

 

Il y a cet espace

qui est au-dessus de nous

et qui fait toute la respiration

comme une langue qui passe dessus

nos chants de division.

 

Nous croyons observer les étoiles

alors que ce sont les lointains

qui nous observent.

 

Nous ne sommes que de vieilles observations

qui n’ont plus cours.

 

Chaque lieu est un espace aveugle

à l’observation en cours

puisque nous vivons

dans des lieux écrasés

et que les lointains

nous cernent de près.

Nous sommes écrasés en nous-mêmes

car nous ratatinons la vie

tout au fond.

 

Le fond de nous

forme une boule

et nous la prenons comme étant

notre propre lointain.

 

Puis nous roulons cette boule

sur nous-mêmes

comme un petit tapis.

 

Nous nous sommes cachés dans la vie

du petit tapis.

 

Nous faisons semblant

de venir de tous ces corps célestes

alors qu’il y a une autre matière en nous

que nous cachons

à nous-mêmes.

 

Nous la cachons aussi

à tous les corps célestes

en faisant briller nos existences.

 

Nous voulons briller dans l’existence

pour ressembler à tous les astres

et même les trous noirs

 

car les trous noirs font aussi part commune

avec l’existence qui brille au firmament.

 

Mais nous ne sommes pas

de ce firmament-là

au fond de nous-mêmes.

 

Au fond de nous-mêmes

il y a ce trou qui ne brillera jamais

dans aucun firmament.

 

Au fond de nous-mêmes

il y a cette matière inconnue

à nous-mêmes

et qui défie l’énergie du vivant.

 

Au fond de nous-mêmes

il y a une existence qui ne brille pas

dans la vie et nous la cachons

à nous-mêmes.

 

Car nous-mêmes nous pensons

que nous appartenons à tout sauf

à l’énergie du vide.

 

Nous-mêmes nous pensons

que nous agissons depuis

nos organes qui proviennent

des rognures d’étoiles.

 

Mais nous ne sommes pas totalement

de cette terre

et donc nous ne sommes pas totalement

des rognures non plus. 

 

Nous sommes plutôt des rognures

venues d’un autre horizon

que celui des étoiles.

 

Nous sommes des rognures venues d'ailleurs.

 

Et des bêtes se cachent dedans

 

Des bêtes se cachent en nous-mêmes.

 

Elles sont venues de loin.

 

Des bêtes nous ont montré le cosmos

depuis nous

 

Alors nous sommes aussi

devenus des bêtes

à fuir le monde.

 

Il a fallu apprendre à nous cacher

c’est alors que nous sommes venus

dans la vie.

 

La vie est une bête

dans laquelle nous croyons

nous cacher

du reste de l’animalité.

 

Nous sommes ainsi venus nous cacher

dans la vie car nous avions

des ennemis qui nous poursuivaient

depuis le Cosmos.

 

Cela ne nous ressemblait pas

d’être poursuivis

et d’avoir des ennemis

du Cosmos.

 

Cela ressemblait plus aux bêtes

qui ont au fur et à mesure

pris notre place dans le vivant.

 

Elles nous ont remplacées

depuis notre bouche et nos mains

ainsi que depuis tous nos organes.

 

Il nous a donc fallu faire taire

la bête poursuivie

en nous pour reconquérir le corps.

 

Il nous a donc fallu aussi nous cacher

dans le vivant à notre tour.

 

Nous autres, les vivants

par dépit, devons apprendre

à avancer masqués.

 

Que tout notre corps

soit notre masque.

 

Que toute notre personnalité

ne soit qu’en masque

et que nous voyagions à l’intérieur.

 

Nous devons voyager

en nous-mêmes

tels des parasites

de l’individu.

 

Individu = vide déversé des plusieurs

dans tout le Un qu’on a en moins

 

individu somme des en-moins

dans le reste des dus.

 

Individu somme

de toutes les absences

qui le composent.

 

Individu somme

des chances qu’on a

à chanter son divisé

dans l’existence

double zéro.

HOTEL DE L’UNIVERS – HEDI CHERCHOUR. VANLOO EDITIONS. AVRIL 2024

Dans l'Hôtel de l'Univers, la vie est un putain de chantier !

  travaux en cours

1 - Je lis le livre d'Hedi Cherchour et je livre mes impressions sur son écriture, son style, ses moments rapides visionnés à la loupe.

Hedi Cherchour aime ramasser les phrases en quelques mots. Il y a d'un coup comme une explication, une lumière, une approbation à tout ce qui vient d'être écrit, à toutes les actions dites. C'est cela qui embrasse la phrase, la revisite, l'explique, mais cette explication nous ne l'attendons pas bien souvent. Elle monte seule dans notre regard et raconte cet intérêt qu'on pouvait avoir pour telle action. C'est comme une signature, celle de l'enfant bien souvent. Mais cette signature nous surprend nous lecteurs, elle nous intrigue au fur et à mesure des pages, nous fait finalement douter à cause justement qu'on interprétait différemment, ou que le petit personnage, cet enfant, voyait les choses autrement depuis son (ses) intérieur(s). Et on découvre ça en fin de phrase, sur quelques mots, trois fois rien. Le regard de l'enfant, sa pensée qui retourne tout.

Ce regard d'enfant (Farida) se maintient même à l'âge adulte.

Un Enfant myope mais qui voit l'immédiat des choses.

Son corps grandit mais son regard est toujours autant fulgurant. Il nous dépasse d'une tête dans le texte. Sa parole parle des langues, du problème des mots, les nouveaux mots du père. Elle nous parle des langues, celle que la mère ne peut comprendre, puisqu'exilée dans sa langue sienne au fond de sa cuisine et celle que ce père remâche obsessionnellent en roulant vers ses chantiers. Un moment, Farida écrit même : L'exil est un charabia.

 

Farida c'est un regard qui fouette le réel d'une situation, ses yeux tout ronds qui grossissent l'instant, ce qui fait qu'il y a parfois des effets de loupe, des ralentissements dans les actions qui tendraient à accélérer le train de la fiction. ("C’est vrai que quand j’écris, je tire une balle, au début la balle va vite et ensuite elle ralentie et on peut voir à travers son ralenti les dégâts stratosphériques. " Hedi Cherchour)

Peu importe qu'on ait vécu ou pas des situations similaires au final, ce qui importe, il me semble, c'est qu'on est retournés dans notre lecture. C'est là que réside l'étrangeté, dans ces spots qu'elle allume, ces focales qu'elle place telle une peintre qui dessine patiemment un détail, puis rire un trait et file ailleurs.

2 - Les personnages apparaissent puis disparaissent. Mais on reste attaché à eux (grâce au regard porté de la narratrice, Farida).

Ils sont très prégnants.

Et du père naissent de nouveaux personnages, de sa disparition viennent des doubles , drôles, inquiétants ou tristes, Yanis ou Soltan

Un peu des fantômes du père mais sans les responsabilités, des gens perdus qui réagissent à leur manière dans la France des années 90

Puis une sœur de Farida, Mouni.

C'est elle qui nous fait faire la traversée avec Farida jusqu'à la deuxième partie du livre.

Puis qui disparaît violemment.

Mouni représente bien la seconde partie en disparaissant tragiquement dedans.

3 - La disparition des personnages.

Au début il y a une épaisseur, une lenteur dans l'action même, qui est de moins en moins tenable au fur et à mesure de l'écriture ; les derniers personnages représentent ça. Ils apparaissent en coup de vent, disparaissent d'un trait de plume (Caroline de Sav, Doumé d'Endoume).

En fait, les personnages ont de moins en moins de place, ils rétrécissent au fur et à mesure que le personnage principal soit à sa vie. Elle en a fini avec son job de narratrice, c'est sa vie qui apparaît en fait, jusqu'à rouler même le lecteur.

"La vie, c'est un peu la séquence du spectateur".

                                                      Hedi Cherchour.

Le lecteur est piégé, déposé sur le chemin pour qu'elle poursuivre son destin, son "mektoub", comme elle le dit souvent au début du roman, en parlant de son père ; comme si en fait cette fin était une dernière farce faite à la fiction.

Les personnages taillent la route carrément.

C'était pas un roman, c'était une série télé et la fin toute pimpante c'est sur un offshore rouge, super visible, qu'on voit partir tout ce beau monde. Il "n'y a plus d'obstacle", dit encore Farida. "Pas de mur en mer", vous vous êtes toutes et tous faits berner les gens ! L'esprit de Yanis le flambeur est plus que jamais présent, sa trace comme une nappe de gazoil sur toute la Méditerranée d'aujourd'hui.

Il a floué tout le monde le livre. Mais en même temps, ça réussit un doublé avec le fait que ça se passe plutôt bien. La fin est bien, c'est une belle fin, presqu'un conte de fée, parce qu'il faut que ça se passe bien, comme une peau qu'on a fini par retirer. Une peau crasseuse dont on se débarrasse enfin dans la mer, pour vivre d'autres aventures. La honte est presque partie. Elle est partie grâce a la mort (Farida au terme du voyage ferme les yeux, ce n'est pas pour rien que c'est dit! Elle ferme les yeux et dit : "on va peut-être tous crever, il n'y aura plus d'histoire,..." c'est-à-dire il n'y aura plus d'emmerdes.

Fin de l'écriture.