Il faudrait rien leur dire, rien leur passer. Rien leur dire mais rien leur passer quand même. Car ils & elles veulent la peau au langage. Le petit langage qui traîne dans les ruettes. Les voyettes. Rien leur raconter du petit langage qui sort d’ici ou là, car ils & elles le méprisent. Ils & elles meprisent tout le parler petit. Toute la misère langagière, ils & elles n’en ont que faire, elles & ils préfèrent parader avec leurs grosses bottes du parler, le beau parler des villes qu’ils & elles transposent à la campagne. Car elles & ils ont gagné les campagnes après avoir gagné les villes. Ils et elles ont saturé les villes de mots, de pensées. Toutes les pensées de ville, pensées de livres qu’elles & ils ressortent pour apprendre le bien parler. Elles & ils parlent du lisier mais avec le langage des livres, la langue du beau parler qu’elles & ils sortent des conférences. Ce sont des poètes conférenciers. Des poètes de la culture cultivée. Des poètes sociologiques. Elles & ils font socio et logiques et viennent parler des paysans aux paysans. Ils & elles parlent à la place des paysannes et des paysans. Elles & ils parlent à la place de leurs parlers. Ils & elles se disent paysannes ou paysans responsables. Eco-responsables. Eco-poètes. Poétesses & poètes avec des feuilles dans les cheveux et une langue à la Bourdieu. Elles & ils ont toujours eu des bonnes notes dans leurs lycées privés. Elles et ils ne viennent pas de lycées agricoles. Mais elles & ils viennent donner des leçons aux agriculteurs. Aux femmes d’agriculteurs. Aux arriérés qui parlent mal. Mal éduqués. Mal fringués. Rustres. Bouffeurs de saucisses. Chasseurs de gibiers. Bouffeuses de viandes. Viandardes et viandards. Qu’elles & ils crèvent tous dans leurs bagnoles. Qu’ils & elles arrêtent de polluer la campagne, la mer. Qu’ils & elles explosent avec leurs fermes industrielles. Qu’on les remembre de paroles instruites, éduquées, poétiques.
Lancement de la collection Fragments du bord du Monde
Culture, Bibliothèque, Conférence/Rencontre
Jeudi 26 septembre à 18h30, rencontre avec l'auteur du premier livre de la collection, Charles Pennequin, pour le livre, C'est la ponctu.
Bibliothèque Carré d'Art - Grand Auditorium (-1)
Entrée libre, sans réservation,
dans la limite des places disponibles.
Place de la Maison Carrée, Nîmes
Charles Pennequin est poète. Il commence à écrire dans
les années 90 et s’intéresse très tôt à la poésie sonore.
Il explique que ses premières lectures étaient précipitées,
du fait de la tension qu’il ressentait face au public, de la peur
de lire. Cette rapidité, cette manière de précipiter le dire,
sont devenues peu à peu l’un de ses traits caractéristiques.
C’est la ponctu. est un texte inédit, premier ouvrage de la collection
«Fragments du bord du monde » édité en 2024 par l’ésban
(40 pages, 5€).
Si le Rock avait ressemblé à cela, mon Dieu[1] !
Si le Rock avait ressemblé à cela, mon Dieu! Si mon Dieu le Rock avait eu cette exigence et cette simplicité. Cette sauvagerie aveugle. Si le Rock avait pris un tel coup de soleil. Un tel coup de bambou, mon Dieu ! Si le Dieu Soleil avait cramé les mains et les âmes des Rockers pour produire ceci ! Si le Rock avait été à ce point vivant, incandescent, avait été cette danse du soleil et du meurtre du vivant ; meurtre de l’humain pour redevenir un ours ! Si le Rock s’était à ce point oursifié, avait autant joué de la flûte que de la guitare, ou n’importe quoi qui passe par-là, du moment que ça accompagne ce qui se trace dans l’air. Si le Rock se dansait à l’air libre la nuit, continuellement, comme les derviches tourneurs, faisant feu de tout bois de guitare. Si le Rock avait été à ce point attaqué, si vibrant, remuant les murs comme autrefois on les enduisait pour les peindre. Peindre la chasse. Peindre la mort comme autrefois, quand on voyait les ombres qui dansaient en peignant grâce au feu dans la grotte. Peindre le feu de Dieu avec des sons ! Si le Rock avait tordu à ce point les cordes et pas que des cordes de guitares ou vocales, mais que l’expérience de la vie et de la mort entre en son cercle, en son nœud ; que l’existence se produise par la danse tournée jusqu’à la perte de la mémoire ; que les danseurs finissent tous morts à la fin des morceaux. Alors le Rock se serait appelé autrement : il se serait fait appelé Catalogue ! Le Rock est un catalogue mais Catalogue, Lui, dépasse le Rock ! Il le détrousse. Il le désosse. Et l’os ça veut dire l’ours, oui ! Catalogue est un os, c’est-à-dire un ours, c’est-à-dire une musique qui griffe les troncs et chante pour les murs ; une poésie chantée non verbale ; des glossolalies qui sortent d’un corps ; des borborygmes de machines ; une danse de marteaux lancés en l’air, car Catalogue peint la vie au marteau. C’est une peinture lancée comme un cri et qui n’en finit jamais, dont le son creuse la fatigue des nerfs ; Catalogue est un beau pèse-nerfs ! Pour en finir avec le jugement de Dieu, justement ! C’est du non-humain fait par des humains. Catalogue est un groupe d’assassins, c’est de l’assassinat humain fait par de l’humain, certes ! Mais après cette danse c’est fini ! Après c’est un Dieu ! Un Dieu qui tue. Et se tue ! Catalogue c’est une divinité qui s’est enfin oursifiée ! Avec ce disque la divinité ne bouge plus de la grotte et respire enfin à nouveau. Ouf ! Le Rock peut aller se recoucher.
[1] Assassins, du groupe Catalogue, CD enregistré et produit par Jean-Marc Foussat en 2024.
C'est facile de parler un peu facile ou pas c'est facile et pas facile certains croient que c’est facile ils disent il est aisé de parler mais pas tant que ça car tout de suite on fait des difficultés au parler tout de suite on ne lâche plus le parler pourquoi ils ne peuvent pas se taire après avoir causé pourquoi quand on a quitté le simple le facile on ne se tait pas pour de bon?
On pourrait se taire après avoir lancé quelques mots, juste quelques phrases et disparaître, et que ces phrases aussi disparaissent, car en général ça tend à rester, même si on n’est pas tenu de rester nos phrases n’entendent rien aux injonctions, il faudrait des phrases qui n’entendent plus plutôt que des phrases qui parlent, des phrases encore plus creuses qu’elles laissent entrer tous les sons dedans pour les faire taire.
C'est plus facile de parler que d'écrire à c'qu'on dit, mais parce qu'on n’est pas entraîné, c’est par obligation qu’on parle, plus qu'on écrit, si on veut pas écrire on peut mais se taire c'est plus compliqué, déjà parce que se taire dans l'écrit tout le monde s’en fout, mais si vous vous taisez verbalement vous posez de suite un problème, un problème insoluble pour la vie en société, il faudrait pouvoir parler pour pas faire société, parler juste pour faire taire toute velléité, toute envie de faire société.
Le problème aujourd’hui c’est la littérature, toute cette littérature qui verse dans le social, c’est tout l’ennui de cette société écrivante et qui veut nous expliquer la socialité, qui veut nous démontrer par le biais du langage, de l’écriture, qu’il y a des problèmes sociaux et que la littérature peut faire quelque chose avec ça, toute la littérature verse là-dedans, sur dos même d’une pensée qui voulait le langage sur la crête entre l’homme et l’animal, quelque chose qui serait dans un vacillement, tout ça sur le dos du style, c’est-à-dire d’une façon de parler comme un étranger dans sa propre parole, comme une parole qui tourne à vide mais qu’on tient par la bride, une parole-cheval qu’on veut dresser, mais le cheval n’a rien à voir avec l’écriture et moi je sais pas faire de cheval, alors je tombe de cheval et c’est le fait de tomber du cheval qui fait qu’il y a écriture.