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Le grand ÇaTout

Le grand ÇaTout, ou ÇaVous, est un monstre issu de vieilles histoires qu’on se raconte tard le soir. C'est un personnage horrible qui vit dans les maisons des enfants. Les enfants ont décidé de vivre en couple, ils disent Toi et moi on vivra en couple, et lui et elle aussi, et aussi elle et lui et ça fera trois couples qui vivront dans une seule et même maison pour la vie. Les enfants veulent ainsi vivre tous ensemble quand ils seront grands et alors ils visitent une maison abandonnée. Ils voient des meubles abîmés et des fenêtres cassées, C'est là où nous ferons notre foyer ! Les enfants ne savent pas que le grand ÇaTout vit là avec ses amis les rats ! "ÇaTout", car il sait tout de ça, et ÇaVous car il savoure le savoir de vous. C'est ce qu'on expliquerait aux enfants quand ils vont dormir, mais ce sont les enfants eux-mêmes qui se l'expliquent, quand ils entendent les parents se parler la nuit durant. La mère raconte à son mari tous ses rêves avec monsieur Bonheur. Monsieur Bonheur dit toujours, Quoi!?, ou plutôt Quoaaaa!?, tout en penchant sa tête en arrière d'un air méprisant. Il montre ainsi son menton en galoche à son interlocuteur, son nez se tend arrondissant ses deux trous comme un ultimatum. Ses pupilles noires vous pointent comme deux doigts menaçants soulignés par des sourcils broussailleux dressés en gargouilles sur son visage. La mère n'aimait pas monsieur Bonheur avant, mais à force de rêver de lui elle le trouve attirant, ce qui provoque la jalousie du mari. Les enfants savent bien que leur couleur préférée c'est de faire dodo, mais avec des parents qui s'expliquent toutes les nuits c'est impossible. Et le ÇaTout grossit de tout ça et n’aide en rien l’amour pour la couleur préférée. Le ÇaVous fait alors se lever les enfants du lit pour qu'ils viennent voir les parents et leur dire, Nous aussi nous avons des problèmes !

est-ce que je l'aime tout partout

Est-ce que je l’aime tout partout. Je l’aime tout partout où il y a des gens. Tous ces gens je l’aimerai partout dedans, avec les mots des gens qui l’entourent. Je ferai son entourement de gens et je l’aimerai fortement dedans. Je ne lui prendrai plus les mots des gens ni les siens. J’ai pu prendre ses mots et ceux qu’elle me ramenait par la bouche. Je lui ai pris sa bouche et je pensais que c’était par amour. Je l’aimais d’amour et voulais lui montrer comment j’encadrais les mots de sa bouche et des gens. Tous les gens qui l’entouraient je les prenais pour les encadrer et lui montrer. Et elle semblait aimer cela. Elle aimait me dire tous les mots. Alors je les avalais pour ensuite les recracher. Comme un animal fait pour mieux digérer. Moi je digérais ses mots ruminés par les gens, puis je recrachais le tout par amour. Je recrachais pour tout l’entourement. Pour qu’elle puisse aussi prendre ces mots. Je lui offrais tout le recraché des mots. La vomissure de gens. Et elle disait qu’elle aimait bien ça. Elle disait j’aime bien ça, mais en réalité c’est elle qui aurait voulu reprendre les mots vomis de son entourement. C’est elle qui a voulu être la repreneuse de mots ruminés sans moi. Qu’elle installe sa boutique de lignes. Qu’elle fasse le tour des gens ligne après ligne. Vomi après vomi. C’est ça qu’elle voulait et non plus manger du ruminé de la veille. Du recraché d’elle en moi. Ça elle voulait pas. Elle pouvait plus. Elle lit maintenant ailleurs. Elle parle ailleurs. Elle regarde ailleurs. Elle reprise la vie d’ici elle-même. La vie d’un homme elle l’a veut pour ici. Elle veut voir s’il a une belle langue. S’il a de belles dents. S’il recrache bien. S’il a de belles mains. De belles déjections. Elle lui prendra ses mots et elle dansera avec, elle dansera autour d’un monde de mots et me recrachera mon baratin.

 

Elle me dit il y a une chose que j’ai dite et je ne reviendrai pas dessus. Il y a cette chose qui est concrète et que je garde, je veux garder ce que j’ai dit puis elle dit qu’elle ne dit plus pareil, car les choses changent. Il faut que nous on aille de l’avant, dans ce que je dis aller de l’avant, dit-elle, mais ce n’est pas le même aller de l’avant que cet aller de l’avant de l’autre jour, car l’autre jour il impliquait qu’on n’allait pas vraiment de l’avant, puisqu’on était un peu à terre, mais que maintenant on va vraiment de l’avant. Il faut donc dire un peu différemment. Elle dit d’ailleurs qu’elle change, que nous changeons, que tout à changé et qu’il faut vraiment que ça change. Alors nous allons changer en allant de l’avant tous les deux et en acceptant les coups du destin (ou je ne sais plus quoi). Elle a sûrement dit qu’il fallait accepter les coups du destin (ou je ne sais plus quoi). (Je ne me souviens plus, mais c’était je ne sais plus quoi), (en tout cas ça n’était pas les coups du destin) (Je crois qu’elle a parlé d’avoir son libre-arbitre, qu’il fallait accepter les joies (ou les malheurs (quelque chose comme ça) du libre-arbritre). (Quand le coup du destin arrive, il y a aussi les petits coups du libre-arbitre), (et il faut l’accepter). (C’est un peu ça de gagné dit-elle, ou quelque chose dans le genre.) (Et que moi aussi je peux asséner des petites tapes de libre-arbitre dans les grands coups du destin (ça ne fait jamais de mal de toute façon.) (Elle n’a guère expliqué plus avant mon libre-arbitre, mais j’ai alors compris qu’elle avait bien compris ce que c’était que le sien.) (Elle maîtrisait bien son libre-arbitre (et alors ça c’est le principal), (du moment qu’on ne mette pas des grands coups pompes de libre-arbritre dans le cul) (du moment qu’on se mette pas non plus dans les pommes avec les coups du destin).

 

RACONTERIES chez ABRUPT, parution le 15 mai 2025.

Dans la voix, la langue résiste à la littérature. Par cette manière de retourner la table du sens, la voix déploie tout ce qu’elle ne peut pas et l’offre négativement à qui sait l’entendre. Avec l’incertitude de l’onde sonore qui se fracasse. Des interstices qui se veulent continents. Tendre l’oreille et observer le signe brut, creux. Lui cracher à la figure. Cracher à la figure d’un signe, c’est comme cracher à la figure d’un fantôme. C’est un geste qui nous traverse plus qu’il ne traverse le monde. Jusqu’à faire perdre toute figure, toute fixité aux choses. Toute fixité à l’intérieur des choses. Par cette langue qui va au réel, et revient jusqu’au-dedans de nous pour libérer de l’espace. De l’espace pour une dialectique du dedans et du dehors. De soi et des mots. De soi et des morts. Et laisser entendre quelques raconteries qui montent comme des vagues et s’élancent — vers nos oreilles ? — en pétillant.

https://abrupt.cc/charles-pennequin/raconteries/

antilivre

L'auteur avait quitté la place, livre de Camille Escudero

L'auteur avait quitté la place

(cliquer sur le lien pour accéder à la page sur le site des éditions)

Texte de : Charles Péguy

Encre de : Camille Escudero

Collection : Vu par n°5

Dimensions : hauteur : 20 cm    largeur : 21,5 cm

76 pages, reliure artisanale pliée/collée

Parution avril 2025

​Editions Aux cailloux des chemins

Prix public 25 €

(Frais de port 3€)

ISBN : 978-2-493404-17-6

 

Aux Cailloux de Chemins

 

Adresse postale

 

24, avenue Charles de Gaulle

 

33520  BRUGES

 

Tél : 06 74 84 83 65

 

Mail : contact@aux-cailloux-des-chemins.fr

clio escudero

 

Trognes de mots, Capses réalisées par Gilles Olry & Charles Pennequin

Le 16 avril 2025, à la galerie El Taller treize, à Ille-sur-Têt, durant le festival l'Illa dels poetes d'André Robèr, il y aura la présentation d'une boîte ("capsa" en Catalan) intitulée Trognes de mots, faite par Gilles Olry & Charles Pennequin et regroupant des dessins & peintures originaux, essentiellement de Gilles mais aussi quelques "binettes", dessins de profils, ainsi que des textes sur des papiers "fumier d'âne", "écorce de mûrier", papier de riz ou Aquari plantable ou d’herbes de l’étang (également trois tapuscrits originaux sur papier triplicopiant). Est inclus aussi un fanzine réalisés par les deux artistes (en tout il y a environ une vingtaine d'oeuvres réalisées dans chacune des capses - 16 en tout - numérotées et signées). Lire ici le descriptif des capses, une collection initiée par Esteve Sabench et André Robèr. sur le site Paraules.

 

Gilles Olry :

Smack M/M on canvas 130x130cm (image sur le site de l'artiste, https://www.gillesolry.com/)

smack