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les actes du colloque "Charles Pennequin : poésie tapage"

Le colloque « Charles Pennequin : poésie tapage » s’est tenu en juin 2021 sous une forme particulière, conséquence des contraintes et incertitudes sanitaires. Un blog a été créé pour recevoir en amont les communications, dans des formats divers, laissés libres, ainsi que des documents qui devaient servir de point d’appui aux échanges. Les sessions en direct ont ainsi pu être entièrement consacrées aux discussions autour des communications. Par ce choix de format, nous avons tenu à préserver, malgré la distance, ce pour quoi on tient un colloque, en laissant une place privilégiée aux échanges. Cette manière funambule, qui laissait place à l’improvisation et au risque, devait aussi coller à l’« objet Pennequin », d’autant que le poète, présent durant toute la durée du colloque, pouvait réagir, commenter, dialoguer avec les intervenants.

Les actes du colloque, dirigé par Anne-Christine Royère et Gaëlle Théval, sont maintenant en ligne ici

 

Un article d'Emmanuel Rubio sur Mediapart

Un très bon article d'Emmanuel Rubio concernant la performance réalisée au théâtre Molière, maison de la poésie à Paris le 29 mars 2022.

 

Sortie en librairie du livre Dehors Jésus, édité chez P.O.L, le 10 février 2022

La Carpe

DIALOGUE

- Et si on pêchait ?

- Hein ? Dans c’te flotte là!? Ça m’inspire pas!

- Allez les mecs! Regardez au fond là... si y a pas d’poisson!

- Lance la cuillère Cathy !...

- Ça mord déjà, on dirait. Tire!

- Mais j’fais qu’ça! Tirez avec nous les mecs!

- Mais qu’est-ce que vous avez pêché les filles là!?

- Oh le poisson! Sa gueule préhistorique! j’y crois pas !

- Un silure!

- Ah! c’te gueule!

- Lourd comme pas deux en plus!

- Faut l’crever! C’est un délétère! Un poisson délétère!

- Un poisson délétère?

- Oui, j’sais plus l’mot là…

- Nuisible?

- Ouais, voilà! C’est un nuisible!

- Fous-le là, moi j’bouffe pas ça!

- Ici c’est beaucoup ça, hein..., poisson-chat, poisson-soleil...

- La perche soleil!

- C’est très sympa ça!

- La truite!

- Attends, les carpes! Ici y en avait des carpes!

- Tu parles ! Tu peux aller t’brosser d’attraper une carpe!

- La carpe c’est une question de patience… Là tu peux jouer aux cartes!

- Ben ouais, faut alimenter la zone à la fronde là, j’connais, j’en pêchais avec mon oncle!

- Et on attend après avoir posé sa ligne!

- Nous on rejette souvent les carpes.

- Nous aussi, sauf une fois! Car moi j’ai dit, J’aimerais bien manger une carpe! Alors on sort la carpe et là faut la tuer! Et c’est très résistant!

- Ah ouais tu peux taper d’ssus comme un sourd, macache!

- Exactement! Alors du coup on la pêche et après on veut la faire cuire et on la vide.

- Ouais.

- Et au moment de la mettre sur le grill, elle s’est mise à bouger! Comme si elle était vivante! Affreux de voir cet animal gigoter!

- Oui, ben moi j’ai une anecdote hein, car les poissons comme ça, quand c’est l’hiver, ils se mettent dans une poche de glace! Dans un cocon de glace et il attend que les jours meilleurs arrivent pour reprendre une vie de poisson! Et donc, nous un jour, on décongèle une carpe, on la fout sur la table, elle décongèle et la voilà qui saute de la table et qui part s’agiter dans l’salon! On a r’gardé la carpe, elle dansait toute seule! Danse floor!

- Les pêcheurs de carpe ils sont des gens prévenants. Et en général, ils remettent à l’eau. Ils les réparent, un bout de bouche enlevé, hop! ils te r’collent ça, et remettent à l’eau. Mais parfois la carpe elle bouge pas! Et puis, d’un coup, elle frétille et repart!

Les joueurs de tarot

...Ça m’rappelle une anecdote, tiens! On est une famille de joueurs : ma sœur ma mère. Descend toujours à pied, 95 balais, elle prend pas le taxi, fait de la marche à pied pour aller jouer aux cartes, trois fois par semaine. Ma sœur ma mère mon beauf : Un facho de première! Et alors la dernière fois que je descends chez mes parents, chez ma mère qui vit toute seule, ma mère elle me dit : Oh, dis! On ferait pas une ‘tite partie tarot! Avant que tu partes! Je dis, Oui! Oui oui, si tu veux! On fait une partie d’tarot. Ma sœur ma mère mon beauf : Un facho de première! Alors on se met autour de la table et la j’ai les cartes et je leur fais, Bon! On joue, hein! On fait pas comme d’habitude : Un qui coupe, un qui donne et l’autre qui distribue. Non! c’est l’inverse : Un qui mélange un qui coupe et l’autre qui distribue. Et pis on passe! On passe parce qu’on a pas plein de tarots! Et on passe et on passe ! On peut jouer, s’il vous plait!? On pourrait jouer, pour une fois! Et ma sœur qui m’répond, Oui… enfin… c’est comme ça dans les concours! Alors là je lui dis, J’en peux plus de vos concours! Et tous ces vieux là! Toute cette association de vieux! Mais c’est triste! Mais i sont tristes! Le tarot ça peut être… c’est… on prend des risques! On s’en fout! Et vous… hein, vous! Si vous avez pas vos trois bouts, là… on passe not’ temps a couper... à donner! Et là, mon beauf, un facho d’première, i s’lève, i fait, Eh ben! Pusse que c’est comme ça! On veut p’us t’voir! On veut p’us voir ta gueule! Moi : Hein!? Quoi!? Lui : Ton père!... Ton père! Il était chiant! Il était chiant quand il jouait aux cartes, ton père! Et Maintenant… maintenant... il est mort! Bon débarras! Et tu vas pas prendre la suite! Tu vas pas nous faire chier à ton tour! Maintenant tu t’casses! Tu t’casses! qu’il me dit le facho d’beauf. Moi : Oh! Oh! C’est bon! C’est bon! J’me casse! J’me casse! Et alors j’me lève et j’fous le camp. Et j’me dis : Il a pété un plomb le beauf! Il a carrément pété un plomb! Et en fait… en fait le mot, le mot j’avais pas réfléchi... j’y ai r’pensé en rentrant. En rentrant chez moi, le mot. Le beauf le mot c’était : Vieux !

 

In : Les voix du venir, éditions Aux Cailloux des chemins, 2020.