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le créateur est mort

le martien débarque sur terre

il est tout nouveau dans le débarquement

il a tout à faire

c’est un bleu du débarquement

il appelle sa maman

le martien appelle sa maman au sujet du débarquement

allo maman je débarque sur la terre

le martien parle depuis le combiné à sa maman

pour lui dire qu’il a débarqué sur la terre

sa maman est fière de son fils

sa mère aussi parle dans le combiné

elle combine dans le combiné pour son fils une petite parole

qui va le réconforter

va détruire dit-elle

le martien entend bien les paroles réconfortantes de maman

alors il détruit tout, il marche sur les terriens

il détruit tout

il parle à sa maman

sa maman a failli tomber dans l’escalier

elle dit : il me ferait tomber dans l’escalier à m’appeler !

elle dit ça à sa voisine

il a a encore failli me faire tomber dans l’escalier !

à vouloir me parler !

la voisine de la maman du martien est une soucoupe volante

ils prennent le café dans la cuisine

ah ! mon fils mon fils !

il m’appelle tout le temps, depuis qu’il a décidé de détruire la terre !

la maman et la soucoupe volante décident de partir voir le fils

le fiston à la conquête de l’univers

il va aller à l’encontre de l’univers et on verra bien

on verra bien ce qui se passera

on verra bien qui rira le dernier !

le martien pour le moment est bien occupé

sa maman dit à la soucoupe oh ! mon fils !

mon fils !

elle arrive avec la soucoupe

le martien voit la soucoupe arriver de loin

oh ! mon fils, regardez qu’il est beau !

le martien est fier

il détruit tout

c’est sa fierté

oh mon fils ! comme il est beau regardez ! et la soucoupe regarde

la soucoupe et la maman sont émerveillées par tant de destruction

tous les humains ont été détruits maman

oh ! qu’il est beau mon fils !

tout est détruit, c’est comme une œuvre d’art mon fils !

oui c’est pour toi maman

la maman rougit dans la soucoupe volante

oh qu’il est tout beau, mon fils ! regardez comme il est beau !

la soucoupe volante regarde

j’ai tout détruit maman !

c’est la création

le martien se demandait ce qu’il allait bien fabriquer aujourd’hui

que vais-je bien faire de neuf aujourd’hui, se demande le martien ?

que ferai-je bien aujourd’hui de tout neuf ?

de jamais produit ?

alors le martien détruit

le neuf c’est détruire l’œuvre d’avant

il faut d’abord tout détruire avant de faire du neuf

tout détruire ce qui a été fait

et le neuf, c’est détruire par-dessus ça

c’est une nouvelle destruction

sur la précédente destruction, il faudra détruire

la création c’est ça

c’est détruire à partir de ce qui a été détruit

tout a été détruit, alors il faut détruire à nouveau

tout cet art qui a été fait, toute cette création

ça n’était que destruction

à chaque fois qu’on crée, on détruit

il faut donc détruire encore

détruire plus profondément

avec plus de conscience

avec plus de volonté

il faut aller à la destruction absolue

il faut creuser là-dedans

et ne pas se laisser distraire !

ah ! mon fils mon fils

ah ! qu’il est beau mon fils !

regardez comme il a tout détruit, dit-elle !

il a détruit ce qui était déjà une destruction !

et maintenant on fait quoi ?

on se lance à l’assaut de l’univers !

l’univers entier à détruire

la vraie, la neuve, la belle destruction à détruire

la toute belle et toute vraie, la toute immense

l’univers qui éclate dans sa création

et moi je vais éclater dans l’éclatement dit le petit martien

le martien se prend pour dieu

dieu qui éclate dans sa création

dieu qui crée et qui éclate

dieu qui détruit tellement qu’il crée

le martien va détruire dieu

il va l’éclater

après l’éclatement de l’univers par dieu

l’éclatement par le martien

après dieu l’éclaté dieu le détruit

et tout ça par le martien

après l’univers c’est dieu qui va s’en prendre une

dit le petit martien

qui n’a plus peur de rien

 

Le drame de la création est d’être identifié, le drame de tout créateur, c’est d’avoir fait une œuvre et que cette œuvre identifie un auteur, que cette œuvre désigne une façon de faire, un style, c’est le drame de toute la création, car finalement faire une œuvre c’est mourir, c’est se donner pour mort, avant la mort n’existait pas car il n’y avait pas de créateur identifié, la mort était souterraine, elle était très présente cependant, elle risquait d’envoyer sous terre le créateur avant sa création, car le créateur croyait que s’il ne créait pas il mourrait, c’est pour ça qu’il s’est mis à créer, pour ne pas mourir, alors qu’il aurait pu ne pas croire à ce qu’il ressentait au fond de lui et rester dans l’ombre, il aurait pu éviter ainsi d’être à découvert, car dès que l’œuvre apparait le créateur est désigné et s’en est fini de lui, on dira toujours que cette création est l’œuvre de cet auteur et que cet auteur est finalement reconnaissable, du coup les créateurs se sont mis à faire diversion, à faire autre chose que des créations qui leur permettrait d’être reconnu, mais ce fut pire, car on disait ceci est bien l’œuvre de ce créateur, cette façon de ne pas y toucher, cette manière de faire semblant, ce petit penchant à se diversifier pour se faire oublier, il ne s’est pas oublié, bien au contraire, il est publié, même si cette publication n’est jamais la même, on reconnaîtra le créateur comme celui qui est toujours jamais le même, celui qui veut surprendre son petit monde, mais personne n’est dupe, pas même le petit monde, le petit monde autour du créateur, personne n’est dupe de son petit jeu de dupe, il est identifié, s’en est fini de lui, le créateur est mort.

pour le 23ème jour du calendrier

Une participation aux "déconnades calendaires", sur l'Autre Hidalgo, d'Elisé Reclus.

 

lacan et la machine à respirer (et celle à causer).

lacan dormait dans la pièce à côté de moi, il respirait très fort, tout au moins il semblait respirer comme il parlait, car il parlait aussi très fort, mais il ne parlait pas depuis la pièce d’à côté où il dormait, il parlait dans un livre que je lisais en même temps, et ce livre s’écrivait en même temps que lacan parlait et en même temps qu’il respirait dans la pièce d’à côté, lacan parlait avec sa grosse voix de moi, ou plutôt il parlait de son moi dédoublé à qui il voulait trouver la réponse, il l’a trouvait dans sa voix mais pas seulement, car pendant qu’il parlait à son moi sa respiration roulait dans la pièce d’à côté, on aurait dit une machine, sans doute même était-il aidé d’une machine posée à côté de lui pour l’aider à respirer, car il lui fallait respirer bruyamment pour continuer cet écrit dans la pièce où moi je me trouvais, et je lisais ainsi lacan dans la pièce où il ne se trouvait pas pendant qu’il respirait dans un endroit où ça n’écrivait pas pour autant, lacan disait grosso modo ceci dans la pièce tandis que dans l’autre je l’entendais ronronner avec sa machine à respirer, il disait qu’il y avait un moi dédoublé, ce moi était là et brassait les réponses, il conversait avec son moi et ces deux là brassaient ainsi de l’air, c’est-à-dire qu’ils ne se l’envoyaient pas dire, ils se disaient ainsi nous ne leur enverrons pas dire, moi et moi, et je me demandais, tout au long de l’écrit, pourquoi il y avait ce moi et cet autre moi qui parlaient dans le texte, pourquoi donc lacan employait deux moi pour se parler, en même temps ce n’était pas deux moi qui parlaient c’était deux moi qui s’écrivaient l’un l’autre, pour en quelque sorte se renvoyer la balle dans le jeu des réponses, tout en sachant, disait lacan, qu’il y fallait surtout trouver la question, et c’est ainsi que j’ai compris que c’était la question qui était au cœur de l’écrit de lacan qui se déroulait devant moi, devant moi comme une machine à respirer l’écrit de lacan prenait forme et à l’intérieur de cet écrit, de cette machine écrivant et respirant, il y avait cette question qui battait la chamade, comme un cœur qui bat la question et envoyait paître les moi, dos à dos elle les renvoyait à leurs réponses, comme deux pisse-copie qui n’ont rien compris au sujet, de quel sujet s’agit-t-il ?, disait lacan, il s’agit d’un sujet où ces pauvres moi ont encore cru qu’il y avait à souffler quelque chose, alors qu’il n’y a rien à souffler à la question, elle se souffle bien à elle-même, elle sait bien se dissimuler dans un débat entre les deux moi, car entre les deux moi mon cœur balance, c’est-à-dire qu’il s’agit d’un débat dans lequel il y aurait eu les deux moi de lacan qui se parlait, alors qu’ils se parlaient déjà à trois, puisqu’il y avait ce moi aussi, dans l’autre pièce, qui écoutait battre le cœur de lacan, par machine interposée si je puis dire, car la machine se remplissait et se vidait et ça faisait cette grosse respiration, ce gros son tout respirant qui remplissait la pièce à lacan, et moi qui était dans l’autre pièce et qui voyait se dérouler un texte sous la pression de cette parole, une dictée comme une poussée qui montait et montait, comme une voix qui apparait dans une grande pièce, pour monter à la tribune, une voix de tribunal et qui montrait ainsi les pièces du dossier, qui les exposait au vu et au su de la raison, et la raison elle-même se défilait, il n’y avait pas plus fin détracteur que cette voix qui traquait ses deux moi, les deux moi étaient pris à parti avec le mien aussi, sans doute mon moi à moi était l’accusé et sans doute les deux moi étaient tantôt la défense, tantôt l’accusation, c’est-à-dire la partie civile, celle qui défend en lieu et place les intérêts d’un état, voire d’une tierce personne, il ne s’agissait pas d’en rester là avec moi, comment moi pouvait continuer à se croire ainsi seul projeté dans une histoire où tout se dédoublait, où tout se parlait et se répondait et cherchait dans ce battement de carte, car il s’agit finalement de battre les cartes durant l’audience, pour savoir laquelle va finir par tomber, de quelle couleur sera le valet ou la dame, le roi ou le cavalier, ou si c’est un numéro quelconque, à moins qu’il ne s’agisse d’un as, il n’agira pas tout seul cet as, il aura sûrement des complices dans la place, et ces complices on connait déjà leur nombre, il suffit de se laisser guider par la plaidoirie des lacan, car il s’agissait finalement bien de plusieurs lacan qui œuvraient, dans la pièce voisine et dans la mienne il y avait des lacan qui poussaient de différentes manières et je ne savais finalement où se trouvait le bon lacan, est-ce celui qui dort ou bien est-ce celui qui écrit, est-ce qu’il y a une différence entre un qui dort et un qui dicte, un qui respire fort les yeux fermé et un autre qui fait rouler la question, car ça roulait comme un tonneau qui roule dans une rue pavée, tandis que l’autre continuait d’inspirer et d’expirer à mesure que la voix perçait dans ma tête et mes oreilles, il y avait cette voix qui disait à peu près ceci : nous aurons bientôt fait de nous réaliser moi et moi, car c’est à moi et à moi qu’il convient d’en finir une bonne fois avec cette question, car il s’agit bien d’une question où moi et moi nous nous y entendons, et nous nous y entendons bien pour y élucider la question où ça s’entend de toute façon fort bien, même si les autres n’y comprennent rien et moi non plus, l’un des moi n’y comprend que dalle, tandis que l’autre aura tôt fait de tout comprendre pour les deux, et c’est ainsi que ça se présente à l’oreille de l’entendant, l’entendant ou celui qui débat, car celui qui débat n’a pas forcément vu se dérouler la question, mais qui a bien vu cependant que ça battait la chamade dans du papier, tandis que la machine respirait à côté de lui, c’était dans la pièce d’à côté et pourtant ça respirait tout près, toute cette machinerie qu’on se demandait même si ça n’était pas aidé finalement, aidé par une seconde machine, une vraie cette fois, alors qu’on pourrait déjà se demander, qu’est-ce qu’une vraie machine, sinon un truc à moteur et que dans tout moi il y a un vrai mécanique en branle, un moteur qui bat la mesure et donc on ne sait pas quelle est vraiment la machine qui aide l’autre à respirer et quelle est cette machine, durant tout ce temps que ça fait du bruit dans l’espace à côté du mien, qui fait rouler l’écrit et par là-dessus la question, et si cette question qui roule dans l’air n’est finalement pas le cœur de toute cette machinerie qui brasse des réponses à tout va, avec ses moi en veux-tu, en voilà, et que tout ça finira bien par nous renvoyer en cassation si ça continue, comme a fini par lâcher un des deux lacan, voir un des trois vu que la machine à respirer semblait ne faire qu’un avec celui qui dormait et respirait à grand bruit, dans la pièce d’à côté, et que sans doute c’est ainsi que s’est terminé le grand débat, chacune des parties de lacan se renvoyant la balle au final, car il y a toujours un final, une arrivée, une place de premier et une place de second, un second couteau qui pourtant n’a pas démérité, il y en a des qui suivent et qui pourtant ne sont pas forcément des lacaniens, ce sont peut-être des moi tout rabotés et qui regardent pousser l’écrit, comme ça pousse dans un champ de blé, ça regarde ainsi de loin passer les coureurs, avec les maillots à pois ou les maillots de couleur, et ça laisse vivre les questions, ça se les laisse souffler et ça laisse aussi les gens dormir, même si dormir fait du bruit, surtout quand ça a besoin de machine pour respirer, pour parler, pour écrire ou pour éteindre une pensée, car finalement ça les rallume, et il a fallu que je me relève et que je pose le livre, que j’aille voir dans la pièce d’à côté et je n’y ai vu qu’un ordinateur qui soufflait à grand bruit, ça soufflait ça soufflait et moi j’étais tout nu dans ma nuit et le livre n’était pas fait, rien n’avait encore était fait et c’était à moi, à moi seul maintenant de me taper tout le boulot qui restait à faire, c’est-à-dire à retrouver le nœud du problème et ensuite à le laisser respirer dans un texte, qui ne serait malheureusement pas un texte de lacan, mais un texte de moi que j’ai vu sortir de la bouche et de la main d’un lacan qui se trouvait dans deux pièce différentes et avec une machine pour penser, une pour causer et une autre pour respirer. 

Haïkus noirs de Françoise Lonquety

 En rapport au calendrier de l'armée noire, les 3 premiers jours de l'année ici, en haïkus noirs :

 

 

Haïku noir

Premier jour de l'an
dans ma vieille tête chauve 
- toujours enfermé

                                              ("l'enfermé", surnom d'Auguste Blanqui, mort un 1er janvier)

 

Haiku noir - 2 janvier

Soulevant le voile
Gros Couyon voit la lune -
même pas pleine

                                                         (gros couyon, en hommage à un texte d'Edith Azam)

 

Haiku noir - Journée expérimentale

Pédalant tombant
tombant pédalant tombant -
recommencement

 

                                                                     Françoise Lonquety.

 

dans la série "on aura tout vu" (et surtout entendu...)

 Pamphlet contre la mort aux Grosses Têtes, de RTL