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Antonin Artaud

 « Qu’est-ce qu’un élan moral?

Un élan physique avorté,

et qui a tourné court. »

Antonin Artaud

 

Qui a l’idée de se battre aujourd’hui. Qui du lecteur ou du poète à l’idée d’en découdre. Qui me cherche des poux et se cherche des poux. Qui se cherche en me cherchant tel un pou et est-ce que je me cherche pas aussi ce pou sur la surface chauve et rigolarde de mon crâne de babouin. Singe né d’une sorte de bête à museau de rat que je suis et à qui on a pris soin depuis des siècle de dresser contre lui-même. On a élevé ce rat des arbres hors de sa vie, sa chère existence de canaque des îles où il n’a appris qu’à se dévorer avec l’autre autant que faire ce peu, ne serait-ce que par la parole. Tous ces vilains macaques qui causent dans les journaux, qui n’en peuvent plus de causer, de gémir, de moraliser, de bénir. Tous ces béni-oui-oui qui parlettres de tous leurs pores, bellement arrivés dans l’existence contemporaine. Bien éduqués en chiens de race, bien dressés et bien débarqués sur tous les continents, la tête haute, alors qu’ils ne savent rien de ce que serait une lutte véritable, un combat dans les mots, seuls. Est-ce que la poésie est parfois l’endroit où le lecteur, au lieu d’aller foutre une peignée à ses semblables, peut venir se bagarrer avec du sens et l’écrivain, au lieu de pavoiser dans sa belle langue toute fabriquée, avec sa petite haine du nouveau, sa haine qu’on lui a faite et dont il sera décoré, on lui donnera des prix à ce petit cochon doré, alphabétisé et politiquement droit dans ses bottes, tous ces salauds qui ont refusé la bagarre, tous ces lâches dont on étale les petits pets sur la surface brillante de l’édition, les petits coups faiblards dans l’existence, la leur d’existence, leur petite bistouille d’écrivaillon et qui fait qu’aujourd’hui comme hier on s’emmerde royalement dans la littérature. quelques-uns en tout cas semblent s’emmerder et Artaud pareil s’emmerdait grave, mais il restait poli.

 

Seulement, dans ses textes, ses écrits au couteau, il flinguait ce petit esprit qui fuyait depuis des siècles la vie même, celle qu’on était en droit d’attendre, l’esprit et le corps, tous ces mots malappris tels que l’Être et toutes les institutions qui nous ont rendu malade d’exister. Il a cherché le bon mot pour éteindre tous les autres, mais il a manqué son coup, car tout a été fait pour l’empêcher de parler. Même ses collègues auraient donné cher pour le faire taire, même ses amis ont souhaité sa mort car c’est toute l’existence qui s’est acharnée sur lui à le BUTER bien au-delà des hommes.

Car il voulait toucher, c’est-à-dire abattre tous les principes qui font que jamais on ne sort de cette foutue planète humaine tant incarnée par tous ces primates qui vous parlent sans cesse pour vous faire taire, tous ces tristes sirs avec leur politique et leur sociologie, leur science et leurs spécialités qui chaque jour nous retardent d’avantage. Artaud disait cela, alors qu’il allait (c’est ce que croyaient tous ces fils de chieurs qui peuplaient le monde alors) clamser. Alors qu’il semblait très pâle et très drogué et très fatigué, raplapla (pensaient tous ces maudits macaques). Il disait : tout retarde. Même une bombe n’arriverait pas à soulever ce débarras dans lequel on a empoussiéré nos générations. Rien ni personne ne peut faire exploser ce monde, tout est trop malin, tout est trop tordu, c’est-à-dire construit et tuyauté depuis des lustres. Tout est lustré de définitions. Un mot est un mot et attention à ne pas se prendre les pinceaux avec l’Être ou le Devenir ou Ma Couille. Même Ma Couille[1] a occupé un bataillon de philosophes, ils en ont fait des conférences et des tables rondes et des colloques sur Ma Couille.

PAS UN GESTE !

Les flicanailles à l’esprit sain ne veulent plus entendre parler des coups de pute d’Artaud. Le théâtre et la morale et la pensée et les sentiments et les médecins et les curés et le féminisme, l’anarchisme et le patronat et le pouvoir en place pour des siècles, le corps et la maladie et les définitions qui pourrissent toutes les têtes ont bien assis leurs grosses fesses sur sa pensée et qui n’était pas une pensée d’ailleurs, mais une façon bien à lui et bien appliquée d’ECORCHER.

 

Un bon pet gras et sonore a maintenu en état de siège son misérable cri, et ni moi ni personne ne viendra remédier à cela. La Transcendance et l’Immanence et le Postulat et la Transversalité et tous ces mots[2] lui ont écrasé la gueule et aussi tous ces gens qui s’en sont réclamé et se gardent bien de faire péter l’Idée. L’idée qui est le dogme de tout projet humain.

 

Le projet humain est à rayer de la carte.

 

Fini l’Art et la Philo et l’Entité et l’Instance, tout ce drame qui noue n’importe quelle histoire de n’importe quel clampin sur patte avec n’importe quelle autre clampine à quatre pattes. Pas d’humain finalement et pas de nature et pas d’univers, car même l’univers vu d’un lambimbin tout crotté tel que moi se donne des airs et des raisons de vivre.

 

Artaud a cassé tout ça et l’instant d’après, tout a été à nouveau recouvert par ses plus fidèles croisés, par ses fans de la première et de la dernière heure et par tous les rénovateurs qui sont arrivés après et par le monde même, car ils ont cru tout de même qu’Artaud avait une idée et des principes alors qu’il a dit et répété que tout ce qui l’a fait écrire ce sont ces malheureux trois petits points en bas de page, c’est-à-dire en fin de vie. Au bout du couloir de la mort où on l’avait mis dès la naissance et même bien avant, il a réussi à cerner tout de même d’un peu près ce rien qui fait tant causer et qu’il faudrait taire. Comment inventer la poudre qui fera péter l’idée même de naître. Voilà une des petites et rabougries questions qu’on peut se poser aujourd’hui dans ce petit cahier merdeux et en l’honneur de cette petite seconde qui me regarde comme une vache éberluée. Vivement que je cours dans ce pré poursuivi par un taureau énorme et que je finisse la face étalée dans une grosse bouse. Merci Antonin Artaud, j’ai appris quelque chose de toi que j’ai pourtant toute ma vie essayé de dissimuler à moi-même, et qui fait cette vie éternellement fausse, cette vie face aux idéaux et aux grands hommes, et qui me fait toujours ressembler, moi ainsi que nombre de mes congénères, au dernier des couillon. Tu es l’un des rares à m’avoir donné à lire, c’est-à-dire appris à voir des choses se hérisser dans des pages que tous ces faux accoucheurs de phrases et tous ces faiseurs d’oubliettes ont appelé si joliment la Langue. L’art est une manière d’inventer le combat, il n’y a pas d’autre formule plus absolue et pourtant, ça vous en dégoûte plus d’un. Artaud est l’exemple même du type désintéressé qui a livré une bataille jour et nuit. Toute sa vie est une guerre et chaque être devrait être cet animal infréquentable pour qu’aucun siècle humain, avec sa sclérose de pensées et d’institutions, n’approche de trop près. Hélas, il n’en sera jamais ainsi. Plutôt crever que d’être parmi vous, disent les suicidés. Certains artistes, eux, comme Artaud, ont pris les devants en décidant de suicider tout le reste.

 

Qu’il en soit toujours ainsi, les amis.

C.P.  

 

[1] « Le succube qui épousa mes couilles la nuit dernière n’était pas un démon, c’était un prêtre catholique romain, qui achevait de transpirer son vin de messe. » (Poème intitulé 13 décembre, an 1946. Suppôts et Suppliciations, Nrf, Poésie/Gallimard. Le poème qui suit, page 242 de l’édition de poche de janvier 2006, commence par ce poème magnifique « Les sentiments retardent, / les passions retardent, / les institutions retardent, / tout est en trop, tout est ce trop qui ne cesse de charger l’existence, / l’existence elle-même est une idée de trop, … », poème qu’il serait urgent de relire à l’heure d’aujourd’hui avec tant d’autres poèmes d’Artaud dans ce livre et dans d’autres.

 

[2] « Les mots que nous employons on me les a passés et je les emploie, mais pas pour me faire comprendre, pas pour achever de m’en vider, / alors pourquoi ? / C’est que justement je ne les emploie pas, / en réalité je ne fais pas autre chose que de me taire / et de cogner. / Pour le reste si je parle c’est que ça baise, je veux dire que / la fornication universelle continue qui me fait oublier de ne pas penser. / La réalité est que je dis rien et ne fais rien, que je n’emploie ni mots ni lettres, je n’emploie pas de mots et je n’emploie même pas de lettres. ». Texte écrit vers septembre 1946 et ayant pour titre COGNE ET FOUTRE dans Suppôts et Suppliciations. 

 

ils sont tous guerriers aujourd'hui

ils sont tous guerriers aujourd’hui, tous fous d’arguties, de batailles juridiques, de recherche de vérité, de pénibles assertions, dissertations, pétitions, connotations, élucubrations, aucun recul n’est permis, tout est mis sur le tapis, toute honte bue, tous les rapports détaillés, les transports furieux, les mises en demeures, les signatures, les contre-expertises, les lamentations, les dénonciations, les réécritures, les transports, les milieux, les salles d’attentes puis les déportations, tout est prêt à fonctionner pour faire marcher à point la guerre, les marches forcés, les destructions, les petites exaltations dans tous les camps, car tous les camps se valent, ceux de gauche et de droite et du milieu, où l’on s’enfonce dans les couffins pour déblatérer en groupe, s’indigner de telle perspective, tout est bon pour mettre au feu, on mettra au feu tel livre, on ira en découdre, on lui foutra sur la gueule, on retournera sa bagnole, sa veste, on se déplacera en foule, on lui écrasera la gueule, on démontera son magasin, on crèvera ses pneus, on le bousculera, on lui enverra des canettes au front, on lui foutera une trouille bleue, verte, la jaunisse, on lui marchera sur le pied, on le dénoncera aux autorités, on le pendra par les couilles, on lui balancera de l’acide dans les yeux et on lui trouera la bite, on le violera, on lui explosera sa gueule, on montera en puissance, on sera le peuple et les dirigeants, on pilotera des avions, des journaux, on aura des avis, on sera tour à tour général, force de l’ombre, fanatique, aigris, on aura sa place, son stand de tir, son terrain, son destin, son guide et son mort, on déclenchera les hostilités, on sera utilisés, on nous laissera faire, on se montera le bourrichon, on sera mathématicien, dialectitien, prélat, on verra le présent comme instance, on s’en foutera de la science, on sera historien, on lira des livres, on racontera des histoires, des sornettes, on s’engueulera, on s’emmêlera les pinceaux et on fera des recoupements, on traduira ça en mots, en verbes, on fera des lignes là-dessus, des discussions, des discours, on verra des salauds partout, des héros partout, des tonnes de braves, braves à force d’avoir été tant salauds, il n’y aura qu’une gauche et qu’une droite, que du blanc et du noir, tout sera rendu simple, honneur et déshonneur, civilisation, piliers, institutions, chacun la sienne, chacun sa misère, et qu’on leur foute des bombes à cette sale race, qu’on l’écrase sous l’atome, cette race-ci ou celle-là, selon les goûts, les styles, l’architecture, l’avis des ancêtres, on remuera les vieilles rancœurs, les rengaines, on chantera des chansons d’autres pays, on sera patriote, moraliste, idéologue, journaliste, sociologue, on aura la bonne conscience, le bon feeling, on dira en connaître un bout, on parlera de soi, de soi à soi, de soi à l’autre, l’autre et son double, on en causera, en catimini, on se divisera, tout le monde parlera de lui, à travers l’autre, ou par son double, on finira par voir rouge, on sera tout bleu, électriques, sourcilleux, pusillanimes, féminines, on sera pape, imam, pope, pop star, on s’écrira des trucs sur le corps, on se mettra à poil, nu sur une croix, on mettra des masques, on nous démasquera, on nous emmènera dans des lieux cachés, au secret, on nous jugera, on nous rejugera, on aura des opinions, des sensations, des idéaux, on s’insurgera, on marchera en tête de gondole, en tête de cortège, ça sera la guerre économique, la guerre de chapelle, d’archipel, on aura des bandeaux, des foulards, des billets, on fera des commentaires, on twittera, on sera rédacteur, on fera des films, on écrira des navets, on tuera l’écrivain, le prophète, l’ambassadeur, on ira en groupe, en bande, en solo, on utilisera des gaz et des coups de semonce, de sommation, on se dispersera, on reviendra en nombre, on sera le théâtre de nouveaux heurts, on sera en proie à l’insurrection, on sera émeutier, force de l’ordre, partisans en délire, organisateurs, enquêteurs, innocents et coupables, on interpellera, on soldera, on y mettra notre cœur ou notre cerveau, la bonne vieille tête, la belle idée, le bon refrain, la tambouille, on marchera tous dans la même merde et ça portera bonheur.

cp

Les poètes sont des prête-noms

 

Ce qu'on veut chasser dans moi c'est la bête

l'innommable bête

qui est tapie au fond

du cabanon

la vilaine grosseur qui remue

on ne sait où

et on ne sait quoi

avec son sale museau

et dont il va falloir

employer les grands moyens

pour se débarrasser

 

je suis l'espèce de l'humain

en voie de disparition

mais je ne suis pas un animal protégé

car nuisible à l'homme

je pue

j’ai des poils

je suis sale

et plein de poux

 

mes amis sont les rats

 

j’ai souvent des dents en or

et je vis comme un porc

à l'ombre de vos cités

 

l'homme est devenu un être à part

un héros ou un salaud

une sorte de brave type

(brave sans doute, à force d'avoir été tant salaud)

il tutoie l'honneur et le déshonneur

il est dans l'Instance

dans le Présent

dans l'heure H

et le jour J

il n'a que faire des cloportes

et des sans-langues

 

tout le continent aujourd'hui

et toutes les pensées et toutes

les institutions ont pris l'homme

à bras le corps

 

l'Idée est inscrite dans le marbre

et c'est au javel qu'on va nettoyer ça

ce trop

ce truc en trop

et qui pue

et qu'on appelait l'Autre

ou son double

 

 

entamer la procédure

sous un air neuf

avec des accents de jeune fille

qu'on prostitue

ou d'un vieil ours qui ne cherche

dans l'existence

qu’à tomber sur un tas de miel

 

l'art c'est aussi faire un tas

en toute innocence

et par défaut, incapacité

et parce qu'on est le dernier des couillons

une apacherie sans gauche ni droite

ni devoir ni honneur

ni saloperie sans nom

 

 

 

la cerise

Parfois ça se termine en queue de cerise aussi. Donc il faut juste appuyer ce qu'il faut. Il faut juste caresser la cerise en fait. C'est bon de savoir qu'on peut caresser une cerise comme on veut sans savoir comment ça va finir. ça finira par une descente sans doute. à moins que ça nous remonte déjà. on descendra mais sans dévaler une pente. C'est bon de savoir qu'on vit grâce à une cerise. Grâce à son inertie à l’évènement. Si je caresse cette cerise c'est que je suis en vie. C'est ce que je me dis. Je me dis si je suis prêt à frôler la cerise c'est que je suis encore vivant. Je sais combien il est important de le savoir. On regrettera peut-être un jour ce moment où je caressais cette cerise sans y penser. Alors j'y pense. Comme ça je ne le regretterai pas. J'aurais pu y penser avant. Penser aussi à ça en d'autres moments. Au lieu de ne penser qu'à moi. J'aurais pu ne penser qu'aux cerises. Je me serais dit finalement je suis en vie. Quoique je fasse. Je ne regretterai pas aujourd'hui de ne pas y avoir pensé hier. Puisque je le pense aujourd'hui. Je le pense plus qu'hier. Plus je pense et plus je me fais de la bile pour demain. Le fait de regarder précisément cette cerise me fait souffrir atrocement. Je ne sais pas ce qu'il adviendra après. Quand je l'aurai oubliée. Je ne sais pas si ce sera encore pareil. Peut-être qu'on changera un jour. On ne préfère plus y penser. D'habitude on appuie sur une cerise et on s'intéresse peu à ce qu'il advient ensuite. après l’avoir mangée. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui mange d'une autre façon que moi cette cerise. Est-ce qu'il y a quelqu'un qui se questionne autant que moi face à un fruit. Est-ce que quelqu'un peut autant souffrir que moi en la voyant. Est-ce que quelqu'un souffre déjà rien qu'en se voyant lui-même. lui-même en cerise. En se voyant appuyer dessus. En se voyant la caresser. Est-ce que quelqu'un la caresse autant que moi. Est-ce qu'on s'en sert uniquement pour manger. Moi je m'en sers pour penser. Je pense à cette cerise dès que je la touche. Je me dis à cet instant là comme c'est merveilleux. Je suis en vie. Je continue à caresser la cerise. Je pense. Bientôt elle sera différente la cerise. Ou alors c'est nous qui auront changé. On aura d'autres chats à fouetter. Chacun fait ce qu'il a à faire. Moi je pense à ma vie. La cerise pense à son noyau. Ou alors quelqu'un y pense fortement aussi. Tout le monde s'est sans doute un jour arrêté sur un noyau pour se poser des questions. On se pose des questions devant tout un tas d'objets usuels. Aujourd'hui je me pose des questions sur le noyau de la cerice. ça change. Grâce à lui je me pose des questions sur qu'est-ce qu'il fout là. Qu'est-ce que j'en ai à foutre des noyaux. Je me fous de savoir si quelqu'un va de nouveau bouffer de la cerise. Je me fous pas mal de savoir si la cerise sert à autre chose qu'à faire un noyau dans la pensée. Ça résiste à la pensée. Ça fait des noeuds dans la tête. J'ai mes noeuds ils sont nombreux alors je peux tout dénouer pendant des heures sans embêter personne ni même appuyer sur un quelconque noyau de cerise. Je peux vivre dans ma pensée tout seul en me passant de noyau. on se passe de noyau comme on se passerait de vivre. Vivre avec des cerises. Je voudrais vivre dans ma pensée seule. Je voudrais être seul en elle. Je voudrais qu'elle me pense et je voudrais penser en elle. Je voudrais qu'elle m'habite et je voudrais pouvoir penser en moi pour moi seul. Je voudrais être le seul à me faire savoir dans ce foutu pétrin. Je veux créer mon propre pétrin à moi et me faire savoir par moi seul. Je veux me faire à moi m'avoir dans mon savoir. Je veux pétrir un moi à moi et penser les noyaux de la tête pour moi seul. Même si les noyaux viennent parfois d'elles ils viennent aussi de moi. Ils sont pour moi seul. Tout au moins je voudrais le croire. Je pense qu'ils veulent tous que je pense pour moi seul. tous les noyaux. Le fait qu'ils veulent que je pense pour moi seul fait que ça pense autrement en moi. Ça me fait penser différemment de moi à moi et vice et versa. Ça me fait me faire voir ailleurs en moi autrement. Ça me fait que je me fais de la bile autrement pour lui que pour moi. Pour moi je me serai fait moins de bile. J'aurais fini par comprendre qu'il ne voulait pas de moi. Ce moi qu'il voulait de lui seulement. C'est moi qui voulait de lui. On se le voulait pondu par nous. On voulait se pondre un nous dedans pour soi seulement. C'est lui qui le disait à moi. Qu'il se voulait pour lui seul en lui-même et que j'aille me faire voir chez les grecs. Seulement je ne me ferai pas voir chez les grecs comme ça. Je résiste à moi. Je ne veux pas m'en aller comme la cerise s'en est allée. On l'a su quand il tripotait cette fichu cerise. on a su tout de suite où ça devait l’emmener. C'est la cerise qui l'a emmené quelque part. Il voulait faire un tour. Il voulait prendre l'air. La cerise n'était pas contre. On aurait voulu voir ça. Seulement vous avez manqué le début. Peut-être qu'un jour on nous expliquera tout sur la fonction de sa cerise. Peut-être qu'il a des fonctions bien à lui qu'on ne connaît ni d'Eve ni d'Adam. Peut-être qu'Eve ou Adam avait déjà des cerises et ça les aidait à penser. Ils pensaient être deux à cette époque. Ils ne pensaient qu'à eux deux. Ou alors ils étaient à deux doigts de le penser. A force ils auraient pu être à deux doigts de le croire. A force de penser pour eux deux ils auraient dû finir à un. Ils auraient fini tout seul à force. Mais ils ont fini à plusieurs en chacun d'eux. Et il n'y avait rien pour dire pourquoi ni comment. Tout le monde cherchait et à force de chercher le pourquoi du comment les rangs grossissaient et on ne voyait plus rien dans la pensée. Car elle était remplie de noyaux. On faisait de grandes découvertes. On avait la pensée qui tournoyait dedans. Et on ne savait pas comment l'attraper alors on ne l'a pas attrapée. On l'ai laissée paître dedans. ça a grossit longtemps. Comme dans mon ventre. Elle était rose. On pouvait lui faire des guili-guili. Non. Je ne crois pas qu'on pourrait lui faire des guili-guili en vrai. En vrai la pensée n'est guère pour les guili-guili. C'est dommage car c'est bien les guili-guili. 

 

le sentiment continué

le sentiment

 

 

le sentiment. le bon senti. la mentirie. la mentirie de ce que l’on sent. on se sent mentir en dedans. tout le mensonge bien senti. bien développé, pour sa personne. sa petite personne qui glisse dans la vie. la vie les événements. les événements ne vivent aucun sentiment. c’est l’image de la petite personne glissante. la personne pimpante de senti et de mentirie. la mentirie des images pleines et bien senties. comment je me sens mieux quand je glisse. c’est en glissant dans le sommeil des événements. car les événements nous font dormir. notre conscience nous évanouit. c’est le lieu même de notre évanouissement dans les sentiments. c’est le sentiment qui est bon, il n’y a pas à spéculer pour le senti. ne pas reculer dans le sentiment. c’est comme s’enfoncer dans de la matière pour être. on est pleinement reçu par soi, mais soi n’a pas d’odeur. c’est comme l’argent. l’argent c’est lui qui fabrique tous les sentiments. et les bons événements où s’y promener consciemment. conscient et senti et ment. les gens se déplacent à l’intérieur d’une musique d’événements. ils se remplissent les poches comme ils peuvent les gens. il nous faudrait plus de poches à événements. il faudrait plus se remplir les fouilles en ce moment, c’est-à-dire glisser et rêver et se laisser à la mentirie. la mentirie des sentiments et des passions. il n’y aurait jamais dû y avoir ce mot. le mot passion n’aurait jamais dû passer à ce moment-là. pourquoi le mot passion est passé par-là. je n’y peux rien. j’ai cru que je parlais de sentiment dans l’événement. j’ai cru me remplir les fouilles argent comptant. espèce sonnante et trébuchante. et me voilà comme ressenti, bloqué sur la passion, comme si je franchissais une crête. il faut que j’aille de l’autre côté maintenant. maintenant j’engage mon personnage à la perte. plus rien lui correspond. il se des-implique amplement de son petit carré personnel. car en fait il s’agit bien d’un carré. de quelque chose de concret. et la chose concrète, c’est qu’il ne suffit pas de se mettre en quatre, mais de se mettre à baiser, là, juste devant vous, pour vous prouver tout le contraire de ce qui a été avancé jusqu’ici. oui, une bonne et vraie mouvante baise. bien ragoutante. avec des personnages qui en ont gros sur la patate. avoir pu vivre jusqu’ici dans les voyages et les heurts de l’existence, alors que l’existence n’est qu’un boudin où il faut forcer le passage. c’est-à-dire rentrer à coup de bélier dedans, forcer la bête à se mouvoir et agiter ainsi les chiffons rouge de la vie. les chiffons et les petits trucs en plis sexuels. les petites pliures qui n’ont rien à nous offrir que leurs petits trucs. c’est pourtant avec tous ces trucages que nous nous sommes pliés et que ça à chauffé ainsi notre petit cœur, précisément. c’est exactement à cet endroit, à l’endroit du petit cœur, lorsque j’ai appelé cette petite poulette qui avait des gros bras et des cuisses d’homme du sud. effectivement, je ne me doutais pas que j’allais rencontrer ma poulette du sud à l’intérieur même de mon passé. car c’est là que je la voie le mieux ma poulette du sud. qui est-elle, sinon le produit édulcoré de quelqu’un de très proche dont je tairais pour l’instant le nom, pour les besoins de la production. je n’ai pas dit : la reproduction. j’ai pensé plutôt à la production de la science. sinon, je vais dire qu’il s’agit d’une belle petite poulette sur un vélib et qui va jusqu’à voyager dans la forêt pour se faire déflorer. il suffit de dire ça et déjà la théorie de nous-ne-baiserons-pas-ensemble a fait son petit tour. nous-ne-baiseront-pas-ensemble, ou alors jamais qu’un œil borgne. cette théorie est déjà révolue. il suffit de s’avouer un peu à soi-même que toute exploration temporelle croise des choses inavouables. que n’importe quel artiste, même le plus avenant, le plus plié dans ses questions, ses obsessions, ne peut même pas connaître ses intentions. et c’est pourtant ainsi que tout a commencé. fin du premier chapitre. la version est mauvaise. il faudrait reprendre le chemin. refaire ce petit tour en bicyclette. comment s’appelait ce petit chou inconscient. cette petite fleur de l’âge. comment s’appelait déjà cette figure qui nous semble si proche. c’était une humaine. les humains, c’est le genre qu’on connaît le mieux. ils naissent des atomes. ils sont de la chair des étoiles et pourtant ils s’imaginent que tout ne finira jamais dans un magma sans nom. ils s’imaginent tout et son contraire. ils n’ont envie que d’une seule chose : avancer à perte de vue. ils n’ont pas conscience que ce qu’ils font c’est du retraitement. jamais de perte. toujours retraiter. c’est ça la société humaine. elle retraite elle retraite. elle n’en peut plus d’avoir tant de mots à dire. déjà du temps de la rome antique, tout n’était que tuyaux et opérations de transvasement. et aujourd’hui pareil. vous allumez la télé, vous voyez les mêmes qu’hier. retraitement de l’information, comme ils disent. tout comme la merde dans les tuyaux. tous les tuyaux merdeux c’est pour le bon fonctionnement de la société humaine. et donc cet humain lui, ou plutôt c’est une humaine, débitait sans conscience de la perte. combien on en a perdu comme ça. combien d’êtres humains ou alors d’atomes. car tous les atomes se sont rassemblés un jour. il se peut que ça nous poursuive ces histoires. en tout cas c’est pas demain la veille qu’on va se taire une bonne fois. une bonne fois pour toute lui fermer son clapet à cette folle. car pour elle tout ce qui est extérieur à la parole se dit aussi dans la voix. toute la voix reproduit tous les gestes et les choses qu’on fabrique en dehors de la bouche. et pourtant, tout ce qui est dans la bouche est ce qui fait le dehors. c’est ainsi. on y échappe pas. en dehors de tout mot il y a la voix, qu’elle dit. car la voix dit tout ce qui pourrait être fait dans l’espace. mais là, il faut le reproduire dans la voix. et la voix s’exprime à elle seule ce qui a été acté dans toutes les vies. tous les actes sont reproduits dans une seule phrase. nous sommes des professionnels, dit-elle.  ne reproduisez pas ça chez vous. quelle foutaise cette bonne femme. elle n’a jamais eu le bon mot au bon moment. jamais moyen d’entendre la raison résonner là-dedans. c’est comme un puits de lumière. elle cause et ça remplit rien. c’est du vide. on n’a jamais connu un tel vide. peut-être quelque part. au fond de je ne sais quel trou théorique il y a pareil vide. mais c’est peu probable. on ne sait pas ce qui le retient de l’écouter. ça parle ça parle et ça écoute ça écoute. combien de temps encore à rester planté devant des questions qui n’en sont pas. la jeunesse est vraiment plombante. pourquoi tant de plomb finalement ? à qui est destiné tout ce plomb. la jeunesse nous plombe. c’est les années de plomb la jeunesse. je m’en souviendrai de ces années avec elle. c’est encore dans la bouche. c’est notre pain à nous deux. et ça s’enfourne dans la jeunesse. car la jeunesse est lourde et pleine. tout tient dans la bouche. c’est lourd. c’est du plomb. la jeunesse embraye. la jeunesse plombe. oui. on l’a déjà dit. oui. mais l’amour on n’en a jamais autant parlé la bouche pleine. et c’est bien de cela qu’il s’agit en vérité. en vérité, il s’agit même plutôt d’un petit chien qui nous suit sans cesse. on a beau quitter la place à une heure tardive. le voilà qu’il rapplique illico ce petit chien. comme j’ai aimé ce petit clébart à la voix qui tremblotait entre deux rames de métro. je le vois encore me supplier avec ses beaux petits yeux de le prendre. mais de la merde. qu’il aille aboyer son mal-être ailleurs. les gens sont dans un de ces mal-être ces temps-ci qu’il faudrait tous les nicher dans notre vie. leur trouver une raison d’être. ce sont des petits chiens rien d’autres. il ne font qu’aboyer de l’amour à tour de manivelle. mais nous ne voulons plus des animaux en laisse. nous voulons des animaux anti-chien. nous voulons des meutes. et c’est pour cela que nous voulons embrasser tout ce qui se présente à nous. car tout ce qui se présente à nous forme une meute, à la longue. même si c’est une image. c’est la nôtre. tout tourne autour de notre image de toute façon. nous ne pouvons pas faire un pas dehors sans se retrouver face à face avec soi-même. cette face où nous stationnons. faisant le beau. nous faisons toujours le beau face à nous-mêmes. quand est-ce que tu viendras me donner la petite papatte à son mémaître ? jamais de mémaîtres. que des poils rèches et drus. que de la carne de chien errant. et même pas de chiens. que de l’errance à poil. dans la forêt de soignes. va donc un peu te faire soigner à soignes avec tes amis de la branche des joyeux drilles, je lui disais. je l’aimais pourtant. quand elle est partie. quand elle m’a dit je te quitte, dans l’escalier qui puait. car cet escalier puait de plus en plus fort. le voisin d’en dessous mettait un temps fou à fermer sa porte. on appelle ça des toques. il toquait sur sa porte. je veux dire qu’il voulait la fermer avec sa toque. ça durait une demie heure environ, jusqu’à ce que je me décide à sortir pour lui faire peur. je sortais et il s’enfuyait emportant sa toque avec lui. ensuite je rentrais chez moi chasser la souris. car il y avait beaucoup de souris dans cette turne. j’étais chargé de les expédier en enfer. mais je n’y arrivais pas. je suis sensible aux petites bêtes. la fois dernière elle m’a trouvé une bête dans le jardin du propriétaire. elle ne bougeait plus, comme morte. bon débarras. mais je ne suis pas comme ça. je suis sensible. j’ai les sentiments qui me débordent alors j’en fais profiter les petits rongeurs. je l’ai soignée. je voulais la prendre chez moi mais elle ne voulait pas, alors je l’ai soignée, le temps qu’elle se remette. c’était une sorte de petit rongeur avec des marques noirs autour des yeux. une vraie tête de bandit. on appelle ça un lérot. il a sauté un jour de sa boîte car la voisine voulait le voir et j’ai enlevé trop vite le couvercle. c’est d’ailleurs elle qui m’a dit que c’était un lérot. j’aurai plutôt cru un loir. ou un mulot. c’est elle qui m’a fait penser à ça. elle me fait toujours penser à un mulot. je baisais un mulot à l’époque. à coup de balais. ne riez pas. ça n’a aucun rapport entre la baise en fait. c’est juste par rapport au coup sur le trombine. il n’y a d’ailleurs aucun rapport entre moi et ce mulot, à part qu’on n’avait déjà aucun rapport avec nous-même. tout petit déjà, je n’ai jamais cru en moi-même. je veux dire en cette personne en qui je stationne. je n’y ai jamais cru. je me suis toujours demandé pourquoi on m’avait mis là-dedans et pour quelles raisons je devais être enfermé dans une personne qui serait moi. quand j’étais petit j’avais comme ça des sueurs froides. je me trouvais dans la cour de récré et je regardais les autres se faire avoir. en tout cas, c’est ce que je pensais à l’époque, sans doute à tort. ils se se sont fait avoir par tout ce qu’ils compilent à l’intérieur pour ressembler à un quelqu’un. ils se font berner. ils semblent croire en eux alors que moi je n’y crois pas une minute. je ne croyais pas en eux une minute en ce temps-là. et encore moins en moi. je regardais, mais derrière mes yeux il n’y avait personne pour attester un quelconque sentiment d’existence.