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Stéphane Nowak Papantoniou - Bourle

 BOURLE

 

Et qu'est-ce que je fous ici dans la bourle à bourler parmi les bourleurs pleins sans savoir ce que je bourle c'est fou de rien savoir à ce point sur la densité la consistance de la bourle ce qu'il y a dans la bourle s'il y a des boîtes de conserve périmées des calendos frais ou du cobalt pur / je bourle tu bourles dans ces bourles immenses qui se forment en bandant des arcs de désir se développent croissent oblongues puis rondes puis s'allongent et s'effilochent parfois postillonnent du crachin mou et rêche / je mâche mon chewing-gum menthol haleine fraîche retour assuré tu déballes ta bourle hors de la mâchoire les incisives élimées et tu t'emballes ton cadeau à l 'intérieur avec le bonheur d'éclater un paquet gonflé d'air / dans la bouche tout d'un coup il devient petit et dur comme une toute minuscule fiente - y a que la bourle qui sait ce que je fous à ce moment ++ précis mais elle s'en fout entièrement la bourle devenant boule elle arrête pas de gonfler dans sa bande dessinée pour illettrés et son mirage de possessions lascives elle continue de grossir presqu'ovale une peau de pêche tendue une outre pleine jusqu'aux os à marée haute comme si enceinte gorgée elle enfle raide jusqu'à ce qu'

UNE FOIS ça pète ça sorte ça explose et fasse tomber les murailles d'un coup les forteresses d'une rafle de vent les murs d'une frappe d'une énorme boule d'acier / on attend tous que ça pète les mains croisées sur la poitrine ou parfois les poings sur les hanches pour changer elle a perdu les eaux c'est pour bientôt y a du sang sur les murs c'est le moment de se frotter les mains et de passer à la caisse cash-cash express disent les experts on attend / leur proverbe dit quand il y a du sang sur les murs il est temps d'acheter des actions, quand il y a accalmie c'est bon pour les obligations, agir ou s'obliger telle est la question la volute de fumée tout autour et le souvenir du champignon de poussière qui monte vertical après l'impact et les cendres en pluie sur nos cheveux laqués et nos loques chéries tout autour les autres bourlent et « oh la belle bourle » et « c'est quand le bouquet final ? » et « pas encore pas avant l'automne prochain » et « on peut pas savoir » faut attendre le chiffre d'affaires en Power Point -R et la météo en 3D, et la dérive de l'anticyclone et le bilan semestriel et le mouvement de l'anticyclone, le retour sur investissement et le coup de sang des Açores / c'est vrai qu'on l'attend vachement la langue pendue le camembert sur la diapo peau vert-point avec plein de couleurs et de tranches et la grosse part bleue des bénefs qui brille on coupera pas la pointe c'est mauvais pour la conservation ça perd du goût et « on s'en fout c'est toujours les mêmes qui s'en mettent plein les poches » ça c'est bon pour la conversation et « y a une poche d'air qui pourrait compliquer l'affaire et baisser les bénefs" ça c'est pour la consumation jusqu'ici tout va bien la bourle est belle et boule de plus en plus boule de plus en plus belle avec ses hanches arrondies bonnes pour la consommation elle donne envie de foncer bille en tête frapper fort en plein dans le mille avec plein de zéro bingo banco qui font "splasch" et "krach" voici le moment de planquer plein de zéros à la fois/ voici le temps idéal pour faire ses conserves pour l'hiver et acheter des chewing-gums pour l'été

 

 

UNE FOIS tu comprends pas ça pète la nuit / j'ai rien vu je dormais je rêvais d'échanger quatre billes de verre contre un paquet de chewing-gum fraise pamplemousse mais l'autre copain avait qu'un calot plus très rond un jour donc la bourle sort de la bande même plus dans la marge elle a foutu le camp dehors elle a pris le maquis la lande obscure sans trace sur les pistes les zéros sont partis en file indienne à la queue leu-leu chez les abonnés des bourles décidées à bulletin secret i reste plus que des épaves par terre les bandes ont tout pris les zéros par boulettes de douze i reste que des débris je vous dis

 

 

en me promenant derrière le camping j'ai trouvé un zéro sur la plage tout rouillé et tout fêlé un morceau de zéro avec des coquillages incrustés je l'ai mis dans ma poche puis j'ai fait quelques pas sur les galets je l'ai jeté tu t'en fous je préfère continuer à bourler jusqu'ici tout va bien on pense encore à la bourle sans penser qu'elle est bourrelée on réfléchit trop tard aux pansements quand les gaz ont fait déserter la rue et que tous ont foutu le camp c'est fou quand on y songe ce qu'on peut bourler sans s'en rendre compte.

bip (impro : ze tiocon's)

 - c'est comme des parasites !

 

- ouais ! On est des parasites et on fait bip dans le discours.

 

l'amitié... petite lettre écrite en lisant "autopsie du dehors", de jann-marc rouillan

       merci jann-marc rouillan, car sans toi je n'aurais pas penser à écrire un livre, je n'aurais pas eu l'idée d'un livre où j'apprends à dire lentement les choses, un livre où je vais parler des amitiés, des amis et des ennemis, grâce à ton livre "autopsie du dehors", j'ai pensé à l'amitié profonde. j'ai pensé à ces deux mots associés : "amitié", "profonde". et ça m'a fait cogiter. est-ce que j'ai eu de vraies et sincères amitiés? quelles sont mes amitiés profondes? n'est-ce pas dans l'amitié profonde que naît aussi la colère, la haine et puis l'amerdume. oui, on a été ami, on n'est plus ami, ou alors on n'est plus ami que d'une image, d'un passé. ami des ombres. merci rouillan car souvent tu parles des gens et tout de suite, en deux mots, ils sont magnifiés. mais lorsque j'ai pensé à l'amitié, j'y ai vu des livres. l'amitié pour des livres et pour la personne dedans qui les a écrits. parfois cette personne est donc prisonnière de ces livres-là. l'amitié est maintenant pour moi essentiellement dans le souvenir. est-ce que j'ai encore des amis ("potos", comme disent certains personnages de ton livre) ? je veux dire : est-ce que je suis encore capable d'être bouleversé par quelqu'un, quelqu'un qui changerait ma façon de penser, qui m'encoragerait (et dans "encourager" il y a rage) à revoir ma copie du vivant, à faire autre chose de moi, à partir à l'assaut sans savoir vraiment ce que je fais, à être brouillon à en piquer un fard, à pas savoir expliquer, à être nul sans en faire tout un programme artistique, sans posture puisque complètement dépossédé, essayant juste d'apprendre à écrire et à vivre, à nouveau. toi, c'est ce que tu fais. "autopsie du dehors" (al dante, les illustrations sont de mc cordat), c'est vraiment l'histoire de quelqu'un qui réapprend à vivre, c'est-à-dire à écrire, car c'est par ce biais-là que passe ton inquiétude : "l'agencement d'une phrase entre deux points est (aussi)  une prison", écris-tu page 66 de ton livre. merci donc, pour ce livre que j'aime lire et qui me donne des élans et un début de courage. car si j'ai du courage, j'écrirai sur l'amitié (j'aurais des amis).

TOM NISSE

L’art de vivre

 
Depuis un temps déjà
je ne supporte plus vrai
-ment la bête humaine
mais des jours c’est pire
et ce soir-là à deux
échoués à Lille le gars
à la gare un psychologue
de la manche les pavés
m’entrecoupent la vue
une horde de cagoles chtis
fières de se faire klaxonner
à deux le soir paumés vrai
-ment tellement paumés que
rien ne peut nous arriver
et la mort encore proche
où zone l’Armée Noire ?
mais la bière y est belge
quartier sympa grave rade
les pavés la vue entrecoupée
on dirait du flow médiéval
on dirait que deux heures ici
suffisent pour s’embourgeoiser
la vinasse fait boiter le petit
vieux (amour de l’humanité)
et ce soir-là elle seule
rejette le père le tyran
et puis place à l’oignon
à l’hydromel au gratte-cul
et la nuit sur cour coriace
nous dormirons près des deals.
 
16.03.12
pour Charles Pennequin

 

JE PUS

 (texte pour Dominique Jégou)

 

 

 

je pus

je pus mais

je pus peu

j’aurais pu pouvoir

j’ai même bien pu un peu

mais je pus toujours que peu

toujours trop peu je pus

et maintenant tout pareil

pareil maintenant que le pus d’hier

le pus peu et le peu plus

pas plus

le peu qu’il put pas plus que le peut peu

ou : pus peu

pus peu pas plus

car le peut peu encore moins

que du pus peu peut-être

pas pus plus hier

et moins que demain

moins de peut peu ou pas trop plus

j’ai pas trop plus de peu

que quand j’avais pu peu

tout ça trop peu

et aujourd’hui

aujourd’hui je peux peu tout pareil

voire pire

c’est pire que quand je pouvais peu

car quand je pouvais peu déjà

j’en pouvais plus

déjà quand je pus peu

j’avais conscience de tout ce peu

qui pourrait moins

encore bien moins

que le pus peu d’hier

tout le pourra de demain

car déjà aujourd’hui

j’en suis réduit à très peu de peu

aujourd’hui je peux encore moins que peu

aujourd’hui c’est peau de balle

si on veut plus que peu

même moins que peu on pourrait plus

on peut déjà presque plus

on est rendu au moins que pis

et c’est à prendre ou à laisser

et ça laisse peu de place à plus

et déjà c’est plus que peu

c’est plus que peu et c’est pas peu de le dire