L’art de vivre
L’art de vivre
(texte pour Dominique Jégou)
je pus
je pus mais
je pus peu
j’aurais pu pouvoir
j’ai même bien pu un peu
mais je pus toujours que peu
toujours trop peu je pus
et maintenant tout pareil
pareil maintenant que le pus d’hier
le pus peu et le peu plus
pas plus
le peu qu’il put pas plus que le peut peu
ou : pus peu
pus peu pas plus
car le peut peu encore moins
que du pus peu peut-être
pas pus plus hier
et moins que demain
moins de peut peu ou pas trop plus
j’ai pas trop plus de peu
que quand j’avais pu peu
tout ça trop peu
et aujourd’hui
aujourd’hui je peux peu tout pareil
voire pire
c’est pire que quand je pouvais peu
car quand je pouvais peu déjà
j’en pouvais plus
déjà quand je pus peu
j’avais conscience de tout ce peu
qui pourrait moins
encore bien moins
que le pus peu d’hier
tout le pourra de demain
car déjà aujourd’hui
j’en suis réduit à très peu de peu
aujourd’hui je peux encore moins que peu
aujourd’hui c’est peau de balle
si on veut plus que peu
même moins que peu on pourrait plus
on peut déjà presque plus
on est rendu au moins que pis
et c’est à prendre ou à laisser
et ça laisse peu de place à plus
et déjà c’est plus que peu
c’est plus que peu et c’est pas peu de le dire
Livre qui paraît chez Al Dante ce mois-ci.
Textes écrits autour du bâtiment administratif de l'écluse de Kembs / Niffer
Architectes : Georges Heintz & Anne-Sophie Kehr
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laurent m’avait dit, pour un manifesten poétique, c’est l’idéal, sauf pour les erroristes, ça manque un peu de caméra de surveillance, mais si y a que ça je vous emmènerai bouffer une tarte flambée à mulhouse, au moins là-bas on en trouvera à la pelle des caméras, alors qu’ici c’est la pleine campagne, avec une belle écluse et ce superbe bâtiment que j’avais cherché sur wikipedia, pas moyen de savoir, on ne parle que d’un bâtiment administratif datant de 1961 à côté de l’écluse et qui serait aussi de le corbusier, il n’est jamais question de cet autre architecte dans wikipédia, heintz, georges heintz, je l’ai même cherché sur facebook, il y est pas, sauf une page qui lui est dédiée : « pour que georges heintz se mette sur facebook qu'on puisse devenir ses fans ». c’est même écrit juste en dessous : « pourquoi nous ne pourrions pas cliquer sur "devenir fan" en cherchant georges heintz??? et d'ailleurs pourquoi n'y a-t-il pas de georges heintz sur facebook ??? ». on le voit en photo avec ses lunettes noires, il fait plutôt rock’n’roll, je le vois aussi en photo avec anne-sophie kehr, il a l’air de travailler souvent avec elle, ils font très rock’n’roll les deux, laurent me dit qu’il va venir pour le premier jour de ma résidence ici, avec ricciotti, en tout cas ce qu’ils ont fabriqué est plutôt réussi, c’est beau sans être une architecture à l’épate, cependant c’est pas très pratique pour les performances poétiques, surtout si tout kembs et niffer se pointe, il va falloir assurer des roulements avec cécile richard et édith azam, mais un peu comme dans la caravane des poètes au triangle, fallait lire plusieurs fois de suite pour que tout le monde puisse assister à une lecture, du coup stéphane nowak lui il va devoir ramener plusieurs tomes de saussure s’il veut assurer, vu qu’il a prévu de découper au hachoir son saussure, quant à moi j’ai qu’un rouleau de papier, je vais le dérouler depuis l’écluse et puis rentrer dans le bâtiment tout en écrivant, ou sinon je fais un coup de mégaphone pour faire venir les gens, allez allez, on y va, on se révolte, tout ça dit comme quand maman réveille ses petits, allez allez, c’est l’heure de se révolter, on y va, on n’attend pas les autres, il est super lumineux à l’intérieur le bâtiment, c’est à cause des vitres, cécile elle connaît bien, elle était dans l’architecture avant, dès qu’on est arrivé cet après midi elle m’a dit, tu as vu ces ombres portées, avec tous ces trous dans les panneaux ? et à l’intérieur on dirait que la nature est décuplée, j’adore les espaces lumineux comme ça, au début moi je me croyais au palais des glaces à cambrai je lui dis, en plein quinze août, le palais des glaces ? c’est à versailles, non ? ouais, mais à cambrai le palais des glaces c’est pendant la ducasse, c’est un labyrinthe avec que des vitres, mais t’as vu ces panneaux avec l’ombre portée qui viennent dessus, ça vient du toit toutes ces stries, de loin je croyais que c’était du bois, en fait on dirait des claustras, des claustras ? ouais, je crois que c’est comme ça qu’on dit, c’est des panneaux perforés, ici c’est de l’acier comme rouillé avec des trous, moi ça me fait penser aux moucharabiehs, tu sais à l’institut du monde arabe ? ah bon ? jean nouvel il a utilisé la technique du moucharabieh, les parois elles s’ouvraient selon la lumière, ah ouais ? ouais, à l’institut du monde arabe il a fait ça jean nouvel, et là c’est pareil avec les p’tits trous, tu peux voir dehors sans être vu, et du coup de l’extérieur on voit pas toute cette lumière grâce au puits de lumière, et ça reflète sur toutes ces parois de verre là, ça fait des espaces modulables en verre, la lumière rentre de partout, c’est beau, et t’as vu le plafond on voit encore les marques du coffrage, ça fait penser à l’émission qu’on a vu l’autre jour, laquelle d’émission ? à la télé sur une église faite en béton armée, perret qu’il s’appelait l’architecte, ah ouais, comme benjamin péret, mais lui je sais plus son prénom, tout en béton le coffrage de l’église, tandis que là c’est béton, verre et acier, et puis c’est tout plat, ça suit l’horizontalité du canal, ouais carrément, moi ça me fait penser avec juste ce petit niveau au-dessus du bâtiment à un bateau, ben à une péniche quoi, oui sans doute, c’est comme une péniche, et la lumière avec tous ces reflets ça fait un peu penser à l’eau
la vie nous réserve de ces surprises, prenez par exemple tous ces charniers de corps qui ont été traînés jusqu’ici, jusqu’à notre lit et ainsi à travers les siècles, tous ces siècles où l’on a massacré autant de peuple qu’il n’en faut pour arroser des continents entiers, et ça en un rien de temps, c’est la vie et ses surprises du temps, la vie surprenante, la vie sans cesse renouvelée et pour cela il a fallu saigner plus d’une vierge, pour cela il a fallu égorger bien des doux agneaux devant le temple pour que continue la bonne vie et la bonne chère, la bonne et chère vie et la circulation des idées, il a fallu bien envahir et bien tuer des peuples dans leur entièreté, bien soumettre à l’idée pour que jaillisse enfin la vie pleine, je vous le dis, en ce temps-là j’étais roi et je détenais toute l’âme de mon peuple, en ce temps-là je me disais déjà qu’il fallait en noyer plus d’un ingénu sous une avalanche d’huile brûlante pour que jaillisse enfin les rayons blancs de la vérité, car la vérité ne nous était pas dévolue, il faut à chaque fois découvrir la vérité sous son linceul, à chaque instant la vérité se couvre de son linceul, et nous nous couvrons aussi, nous ne voulons pas aller de l’avant dans l’idée, alors que l’idée nous donne ce feu par lequel nous existons et c’est comme ça qu’il nous faut partager la vie réelle à tous nos innocents contemporains, coûte que coûte le pauvre contemporain obéira à notre seule idée rayonnante, comme un rayon tout blanc la vérité et qui le frappera furieusement, nous ferons ployer toutes les existences et nous noierons tous les peuples insoumis à l’idée, car c’est l’idée seule qui a fabriqué cette existence pleine de plis et que nous avons une bonne fois décidé de faire la lumière dessus, dépliant un à un les écheveaux qui nous empêchent de réaliser la vie, la réalisation de la vie passera par la mort de tous.
les enfants voient le ciel depuis la charrue
ils se prennent pour des vipères
ils mettent des branches sur le front
et sautent depuis les blockaus
ils se font tomber par les cousins
les vilains cousins tout gras et tout cons
ils sont trop cons les cousins quand ils deviennent grand
du coup ils mourront avant nous
les enfants se ruent dans les charrues
puis ils vont dans des trous d'usine
ils vont là et passent dans des tuyaux
c'est des tuyaux gros pour aller dans de grosses et sales usines
les gras et grands et gros enfants dans les toutes grises usines
ils y vont avec une fille
ils veulent déshabiller la fille
ils disent qu'il y a des ouvriers qui nous regardent
les ouvriers sont en bas ils ont des caméras
et ils regardent si on n'a rien caché
si on n'a rien on pourra sortir
il faut que la fille enlève sa culotte devant la caméra des ouvriers
il faut qu'elle jette sa culotte à travers les étages
et qu'elle frotte son sexe sur la poutre
pour bien montrer qu'elle rien
comme ça les ouvriers les laissera s'en aller
il y a comme ça des ouvriers d'usine plein les rues et qui regardent
tous les ouvriers qui ont des jambes de bois sur des mobylettes bleues
et sur les mobylettes aussi des gros gras gris et grands chats
des chats tout gros qu'on lance depuis des fenêtres avec des culottes sales de fille
les filles ont les culottes très sales
c'est comme les roues des ouvriers
les roues qui roulent dans les voyettes pleine de pisse
ça sent la pisse plein la voyette à chaque fois qu'on passe disent les enfants
les enfants chapardent
les enfants se révolent contre les ouvriers
ils achètent plein de pétard au café bédu et après ils viennent à la salle des fêtes
les ouvriers montent dans les bus
tous les villages sont remplis d'ouvriers et d'usines
les enfants se cachent dans les charrues
ils caressent les vaches
il les cognent
ils se vont jusqu'au deux arbres et se font poursuivre par un taureau
ils se cachent sous un arbre
ils se cachent dans les nouveaux lotissements
dans les nouvelles maisons en construction
là aussi les ouvriers farfouillent
ils cherchent si on n'a pas caché des armes
la fille dans la nouvelle maison doit encore se déshabiller
elle doit se mettre à poil pour montrer aux ouvriers qu'elle a rien
après ils nous laisseront tranquille
pour le moment tu dois enlever ta culottre et frotter ton sexe sur le parpaing
après ils verront qu'on n'a rien caché
et ils nous laisseront la vie sauve.
le sentiment, le bon senti, la mentirie, la mentirie de ce que l’on sent en dedans, tout le mensonge bien senti et bien développé de sa personne, sa petite personne qui glisse dans les événements, les événements ne provoquent aucun sentiment, c’est l’image de la petite personne glissante, la personne pimpante de senti et de mentirie, la mentirie des images pleines et senties, comment je me sens mieux qu’en glissant dans le sommeil des événements, car les événements nous font dormir, il n’y a pas un événement qui agit sur notre conscience, car notre conscience est le lieu même de notre évanouissement dans les sentiments, c’est le sentiment qui est bon, il n’y a pas à reculer dans le sentiment, c’est comme s’enfoncer dans de la matière pour être pleinement reçu par soi, mais soi n’a pas d’odeur, c’est comme l’argent, l’argent c’est lui qui fabrique tous les sentiments et les bons événements où s’y promener consciemment, conscient et senti et ment, les gens se déplacent à l’intérieur d’une musique d’événements et se remplissent les poches comme ils peuvent, il faudrait plus de poches à événements, il faudrait plus se remplir les fouilles en ce moment c’est-à-dire glisser et rêver et se laisser à la mentirie des sentiments et des passions, il n’y aurait jamais dû y avoir ce mot, le mot passion n’aurait jamais dû passer à ce moment-là. pourquoi le mot passion est passé par-là. je n’y peux rien, j’ai cru que je parlais de sentiment dans l’événement, j’ai cru me remplir les fouilles argent comptant, espèce sonnante et trébuchante et me voilà bloqué sur la passion, comme si je franchissais une crête, il faut que j’aille de l’autre côté maintenant. maintenant je m’engage à la perte de tout ce qui a fait mon personnage rempli de choses qui ne lui correspondent pas tout à fait, c’est quand il est fatigué qu’il se des-implique ainsi de la passion et des choses qui l’eurent et l’usure même du temps et les choses qui fatiguent amplement son petit carré personnel, car en fait il s’agit bien d’un carré, de quelque chose de concret, et la chose concrète c’est qu’il ne suffit pas de se mettre en quatre mais de se mettre à baiser, là, devant vous, pour vous prouver tout le contraire de ce qui a été avancé jusqu’ici, oui une bonne et vraie mouvante baise bien ragoutante avec des personnages qui en ont gros sur la patate d’avoir pu vivre ainsi dans les voyages et les heurts de l’existence alors que l’existence n’est qu’un boudin où il faut forcer le passage, c’est-à-dire rentrer à coup de bélier dedans, forcer la bête à se mouvoir et agiter ainsi les chiffons rouge de la vie en dedans, les chiffons et les petits trucs en plis sexuels, les petites pliures qui n’ont rien à nous offrir que leurs petits trucs, c’est pourtant avec toutes ces trucages que nous nous sommes pliés et que ça à chauffé ainsi notre petit coeur précisément, c’est exactement à cet endroit, à l’endroit du petit cœur, lorsque j’ai appelé cette petite poulette qui avait des gros bras et des cuisses d’homme du sud, effectivement je ne me doutais pas que j’allais rencontrer ma poulette du sud à l’intérieur même de mon passé, car c’est là que je la voie le mieux ma poulette du sud, qui est-elle sinon le produit édulcoré de quelqu’un de très proche dont je tairais pour l’instant le nom pour les besoins de la production, la production de la science, sinon je vais dire qu’il s’agit d’une belle petite poulette sur un vélille et qui voyage dans la forêt pour se faire déflorer, il suffit de dire ça et déjà la théorie de nous-ne-baiserons-pas-ensemble, ou alors jamais qu’un œil borgne, est déjà révolue, il suffit de s’avouer un peu à soi-même que toute exploration temporelle croise des choses inavouables que n’importe quel artiste même le plus avenant, le plus plié dans ses questions, ses obsessions, ne veut même pas connaître, et c’est pourtant ainsi que tout a commencé. (fin du premier chapitre)
tout ce qui est extérieur à la parole se dit dans la voix, toute la voix reproduit tous les gestes et les choses qu’on fabrique en dehors de la bouche et pourtant tout dans la bouche est ce qui est fait dehors, en dehors de tout mot il y a la voix car la voix dit tout ce qui pourrait être fait dans l’espace mais là il faut le reproduire dans la voix et la voix exprime à elle seule ce qui a été acté dans toutes les vies, tous les actes sont reproduits dans une seule phrase, nous sommes des professionnels ne reproduisez pas ça chez vous.
la jeunesse est pombante. pourquoi tant de plomb ? à qui est destiné tout ce plomb. la jeunesse nous plombe, c’est dans la bouche, c’est notre pain, il s’enfourne, la jeunesse est lourde et pleine, tout tient dans la bouche, c’est lourd, c’est du plomb, la jeunesse embraye, la jeunesse plombe, oui, on l’a déjà dit, oui, mais l’amour on n’en a jamais autant parlé la bouche pleine, et c’est bien de cela qu’il s’agit en vérité, en vérité il s’agit même plutôt d’un petit chien qui nous suit sans cesse, on a beau quitter la place à une heure tardive, le voilà qu’il rapplique illico ce petit chien, comme j’ai aimé ce petit clébart à la voix qui tremblotait entre deux rames de métro, je le vois encore me supplier avec ses beaux petits yeux de le prendre, mais de la merde, qu’il aille aboyer son mal être ailleurs, les gens sont dans un de ces mal être qu’il faudrait tous les nicher dans notre vie, leur trouver une raison d’être, ce sont des petits chiens rien d’autres, il ne font qu’aboyer de l’amour à tour de manivelle, mais nous ne voulons plus des animaux en laisse, nous voulons des animaux anti-chien, nous voulons des meutes et c’est pour cela que nous voulons embrasser tout ce qui se présente à nous, même si c’est notre image, tout tourne autour de notre image, nous ne pouvons faire un pas sans se retrouver face à cette glace où nous stationnons, faisant le beau, nous faisons toujours le beau face à nous-mêmes, quand est-ce que tu viendras me donner la petite papate à son mémaître ? jamais de mémaîtres, que des poils rèches et drus, que de la carne de chien errant et même pas de chiens, que de l’errance à poil, dans la forêt de soignes. va donc un peu te faire soigner à soignes avec tes amis de la branche des joyeux drilles.