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l'écrit libre
john giotto

 

 

ce matin je descends de bonne humeur, je vais prendre mon petit déjeuner de bonne humeur ce matin, car ce matin j'ai pris ma décision, j'ai trouvé tout seul, j'ai pris ma résolution et ma décision et mon courage à deux mains ce matin, c'est le bon jour pour bien se réveiller et prendre de bonnes résolutions, quand on est de bonne humeur une bonne idée pousse dans la tête et on est content, on a trouvé de quoi remplir sa journée, toutes les journées ne se remplissent pas pareil, la plupart des journées se remplissent très mal, mais là est une journée qui promet d'être bien remplie, j'aurais mon content d'images, mon content de bons souvenirs, il faut que je me débarrasse de tous mes professeurs, c'est à ça que j'ai pensé, il faut que j'aille visiter toutes les écoles où j'étais pensionnaire et que je tue un par un tous les professeurs que j'ai eu, ça c'est une bonne idée pour une bonne journée qui se présente bien, je vais prendre la voiture, je vais filer vers les écoles où j'étais pensionnaire et je vais me renseigner pour savoir où se trouve tel professeur, où se trouve le professeur en question, dans quelle salle, à quel endroit, s'il ne se trouve pas dans l'école j'irai le chercher chez lui, j'irai le prendre par la peau du cul et je le tuerai hors de chez lui, dans la rue, je tuerai tous les professeurs dans la rue, c'est-à-dire dans un endroit où ils ne tentent jamais d'exercer leur art, car leur art est d'agresser les jeunes étudiants dans des salles de cours, leur art est de salir la conscience de toutes ces petites têtes qui n'ont rien demandé à personne, et surtout pas d'être instruite aussi salement, aussi dégueulassement comme je l'ai été, ce matin je me suis réveillé et j'ai directement pensé à ce directeur qui m'avait fichu à la porte de son bureau, j'ai aussi pensé à ce professeur de sciences naturelles qui m'a giflé pour une faute, taureau il s'appelait, je vais commencer par le tuer lui, avant le dirlo je tuerai taureau, car taureau c'est bien pour commencer la corrida libre, une vraie corrida improvisée avec toutes ces bêtes à cornes qu'on ose appeler professeurs, car les professeurs ne savent rien, regardez bien dans les yeux vos professeurs, regardez les bien, froidement, dans les yeux, fixez bien votre regard et ne détournez pas la tête, regardez les fixement et tranquillement, pendant longtemps, regardez les et vous verrez ainsi la peur dans leur visage, vous les avez ainsi démasqués : ils ne savent rien ! ils ont vu dans votre regard que vous saviez qu'ils ne savaient rien. ce matin je suis bien parti, de bon pied, bon pied bon œil, pour aller massacrer tous ces imbéciles qui se disent être mes profs, je n'ai plus de profs, je ne veux plus être pensionnaire et me taper ces cons qui demandent qu'on les soutiennent à longueur d'année, car ne croyez pas que c'est vous qui devez apprendre, c'est eux qui doivent être rassurés et pour cela il leur faut une classe complète de jeunes gens pour les soumettre à la fausse vie, la fausse vie et le faux sentiment, la fausse profondeur et la fausse parole, ce matin je vais prendre la route, une longue et belle route, il fait beau, je vais pouvoir ouvrir le carreau et contempler le paysage, je prends la route que je prenais toujours pour aller voir ces professeurs, pour qu'ils me traînent dans la boue de leur savoir, leur savoir tout crotté d'imbécillités les plus crasses, je n'ai rien appris du tout avec tous ces professeurs et en plus je me suis fait insulté, je me suis fait rouer de coups, je me suis vu traité plus bas que terre, par exemple par ce professeur qui déformaient mon nom pour le ridiculiser, ou ce professeur qui passait derrière moi, juste derrière ma chaise et qui me disait calmement c'est bien, c'est joli, c'est bien écrit, c'est tout beau qu'il me disait tout gentiment, avant de me coller une grande gifle et de m'indiquer avec son doigt que j'avais fauté, j'avais mal recopié, va au tableau maintenant me dit taureau, je tuerai ce taureau, je le tuerai devant le tableau, devant tous ses collègues, j'emmènerai la petite tribu, le petit troupeau de moutons de professeurs ignares dehors dans la rue et je tuerai le taureau devant tous les autres moutons de professeurs ignares, mais pour le moment je dois prendre mon petit déjeuner, je dois me couper quelques tartines et mettre de la bonne confiture, de la confiture à la rhubarbe et au citron, je dois bien manger et bien penser à taureau, je penserai aussi à madame labiche, cette professeur d’anglais en quatrième et qui voulait me faire rentrer dans le crâne qu’une patate était différente d’une pomme de terre, lorsque j’irai la trouver je lui poserai encore la question, quelle est la différence entre une patate et une pomme de terre et elle ne saura toujours pas répondre, elle dira je ne sait pas mais c’est comme ça, une patate et une pomme de terre ça n’est pas pareil, c’est tout, mais là je ne la laisserai pas me baratiner, tout de suite j’en ferai de la purée de madame labiche, mais tout d’abord je dois finir mon bon petit déjeuner pour après prendre la route, je penserai à taureau et à labiche en conduisant sur la route, je penserai aussi à madame poulet qui n’était pas professeur, qui était cuisinière et nous servait sans cesse du hachis parmentier, tous les soirs du hachis parmentier avec en entrée des concombres, si je déteste les concombres et le hachis parmentier c’est bien à cause d’elle, j’irai la trouver avec taureau et labiche et je lui dirai, poulet, fais-moi du hachis parmentier avec ces deux-là, mais pour le moment il faut que je prenne ma voiture, je me vois déjà en train de conduire sur la route, je serai bien à conduire sur la route, je conduirai comme je veux, comme ça me plait de conduire, mais en même temps je respecterai bien le code de la route, bien sûr je ferai très attention de respecter le code de la route, et puis après j'arriverai à l'école et là je ferai un beau carnage, j'obligerai les professeurs à se coucher à plat ventre devant leurs élèves, je leur ferai faire la carpette devant les élèves, les élèves pourront essuyer leur pied sur leurs professeurs, je dirai aux élèves maintenant sauvez-vous, vous êtes libres, je vais tuer tous les professeurs de cette école et après j'attaquerai les suivantes, plus aucun professeur vivant, plus aucun ne pourra enseigner sans avoir peur que je vienne le tuer, dès que je saurai qu'un professeur est tenté par l'enseignement j'irai le voir et je lui ferai éclater la tête, son cerveau d'imbécile heureux éclatera en lambeau, toute la cervelle se répandra dans la salle des profs, ou dans la classe, sur les élèves, regardez un peu ce porc, regardez bien ce taureau, regardez son savoir qui éclate sur vous, il tente encore de vous pourrir la vie, il faut en finir, regardez comme sa cervelle a bien giclée, regardez comme c'est bon un professeur sans cervelle, regardez comme il a l'air neuneu, enfin, un vrai neuneu regardez, vous avez le neuneu type devant vous, il est sans cervelle et malgré tout il tente encore d'attirer l'attention vers lui, et puis je le laisserai tomber comme une vieille chaussette, je passerai au-dessus de son corps et je franchirai la porte, je ne la claquerai pas, je refermerai doucement la porte et je partirai tranquillement dehors, en sifflotant.

vivre

n'est pas se soumettre

vivre

est l'insoumission

à tout

ce qui se présente

comme règle

comme devenir moral

et comme impuissance

impuissance non pas à être

mais impuissance

au présent

tous les systèmes

sont des systèmes

d'impuissants

demain

je regarde les nuages

 

 

 

DE LA RIGOLADE

        Nous étions des âmes simples, des petites âmes de pauvres, des petites gens, des gens de petite fortune, des âmes pas grandement compliquées, de la petite mitraille, de la misérable bière, du populo très tranquille, pas méchant pour un sou, du petit peuple sans soucis, nous étions des petites personnes pas compliquées du tout, pas bien finaudes non plus, car nous n'étions pas très futées, des futilités, des babioles, des bidules pour l'histoire, nous étions la petite histoire, le petit remuement, la vaguelette qui se meure dans l'histoire, nous étions de la petite bière dans la vie historique, le petit mouvement de société, la petite pente mal dégrossie, la société sans classe, le mouvement pas cadré, des objets mal foutus et qui dérangent, de la bagatelle, de petits bibelots frivoles et mis de guingois, de la bricole pas passionnante, des sujets pas très affriolants, de petites badernes dans la civilisation, on parlait peu de nous, on parlait de nous mais pour rien dire de captivant, pour dire des sottises, car on ne pouvait rien sortir de nous, nous étions la petite sottise du temps, le petit cœur simple, pas compliqué, le petit cœur du temps historique et qui bat simplement, sans conséquence, sans une once de méchanceté, mais qui n'est jamais vraiment ravagé, qui bat sa petite mesure dans l'ombre des grands moments, des grandes décisions, des grands ravages, des grands coups de feu de l'histoire, nous étions de la petite graine qui saute sur un gros tambour, rien d'autre que de minuscules bâtons de riz qui danse sur la grande peau, la grande peau du monde, nous n'étions pas de cette peau-là, nous n'avions que notre peau, notre petite peau et à l'intérieur nos frêles petits os, nos organes pas très folichons et nos sales petites viscères, nos malheureux excréments, nos foutues selles qui nous ressemblaient trait pour trait, tout au moins pour les grands de ce monde, nous étions les fèces des plus grands, nous sentions mauvais, nous empestions même, nous dérangions, nous étions le dérangement permanents, nous étions de toutes les époques, nous dérangions l'histoire avec nos paroles inintéressantes, nous avions nos bonnes blagues dans nos petites bouches, de petites histoires sans parole qui nous sortait du bec, pour tenir le coup, nos historiettes sans histoire et qui faisait ricaner l'histoire, la vraie, car heureusement il y avait la vraie histoire, la grandeur, heureusement il y avait les grandes heures historiques, heureusement il y avait les coups de poing dans l'histoire, heureusement il y avait les cris historiques et non ces petits murmures indistincts, cette petite mousse hors du trou, ce petit parler crapotant, nous étions ceux qui grouillent tandis que les grandes mesures sonnaient l'heure, chaque heure fut sonnée sans nous, chaque heure de chaque société fut sonnée tandis que nous battions la campagne, la chamade, tandis que nous battions en retraite, apeurés et sourds aux discours et aux actes importants, chaque moment de chaque époque sociétale, chaque moment important, chaque mouvement décisif dans la civilisation se fit sans notre secours, on criait plutôt au secours en détalant, car nous n'étions pas de cette civilisation, nous comptions à peine dedans, de la piétaille, de la petite gonflette, une foultitude de gens modestes, un encombrement, une affluence sans influence, des sans grades qui vont à pied, car nous n'étions pas intéressants, on se passait de nous, nous n'étions que vilénies, ragots, commérages, injures aux grands hommes, nous n'étions que de la petite monnaie pour eux, une vaisselle de poche, un petit bruit qui dérange dans la vie, un persiflages, nous étions des rodomontades de vies, des glorioles, des mentiries, des broderies de fanfarons, sans intérêt, nous étions de tous les baragouinages, de tous les bafouillages, on bouinait sans conscience nos langages, on flânait et on blablatait sans cesse, mais tout ça sans importance, on parlait sans frais, car nous étions dedans, certes, dans cette société, cette civilisation, mais pour faire la masse, pour faire un peu de relief, pour façonner un peu l'image avec nos corps, nos corps charriés dans des aventures qui n'étaient pas les nôtres, nos corps ballotés au loin du cadre, nos corps comme un pauvre paysage vu de loin, nous étions l'horizon mais pas le grand horizon, le vrai horizon fier que l'on pointe pour y aller, pas le grand horizon qui captive le grand homme, le grand et le vrai horizon désigné par la grandeur d'un être, la grandeur d'une âme, nous n'avions pas d'âme, nous étions le tourment mais sans âme, on tournoyait sans cesse, nous étions plutôt l'abîme même, plutôt que l'horizon, même l'abîme fut un trop grand mot pour nous, il a fallu nous débaptiser, nous étions la petite trouée, l'accident, un petit talweg, une flaque, la chose qu'il faut bien passer outre, la chose qu'il faudra bien traverser et passer outre, la chose qu'il faudra bien s'y soumettre un moment pour passer outre et aller de l'avant, nous n'étions pas de l'avant, nous étions de l'arrière, des arriérés d'arrières pays, le pays de l'arrière avec ses arriérés de paysans dedans, nous étions minuscules et non majuscules, nous étions de toutes les décisions mais sans le vouloir, sans même le savoir, nous étions emportés avec les grands mouvements de l'histoire mais sans être au courant, nous étions dans les courants mais comme des bouches qui parlent trop, qu'il faut taire, des bouches de trop à nourrir, et nous étions mis en demeure de vivre, il nous fallait vivoter l'instant, respirer ce qu'on nous disait gentiment de respirer, penser ce qu'on nous dictait gentiment de penser, si nous pouvions un tant soit peu penser, on accompagnait le mouvement, personne ne nous tenait au jus, nous ne savions même pas que nous vivions, nous étions les futurs morts, nous étions déjà morts mais pour le futur aussi, nous jouions toutes les scènes où il fallait jouer, on ne nous comptait pas, nous étions les figurants, les pantins de l'histoire historique, nous étions les porteurs d'eau de notre destinés, nous aurions pu ne pas être là, nous n'y étions d'ailleurs pas, juste pour porter l'eau, l'eau au moulin, le petit moulin de nos petites et misérables vies, nos petites et misérables vies sacrifiés, nos petits moments sans rien dedans, nos petites et sales manies pas bien intéressantes, nous n'étions pas intéressants, nous étions le désintéressement total, le désintéressement de tout ce qui intéresse, nous étions les petits moments sans gloire dans la grande gloire, la lumière, nous étions aveuglés, mais nous restions tout sombres, puis nous tombions dans l'oubli, nous étions l'oubli même, la petite parlotte sur laquelle il pleut, nous étions fins prêts pour la boue, car il pleuvait tout le temps sur nous, sur nos dires et nos racontars, sur nos devinettes pas bien méchantes, sur nos paroles sans aucun lendemain, nous étions comme des amours sans lendemain, des aventures sans saveurs, nous étions torchés à la va vite dans les siècles, comme une vieille rengaine, nous rabâchions sans cesse à travers les âges, on nous chantait des berceuses, des comptines, on nous baratinait tout le temps, nous étions tout ce baratin, la chansonnette stupide, le refrain niais du soir historique,  nous étions de tous les siècles, les grands siècles qui ne nous ont jamais contemplés, nous étions dans l'histoire, sans aucun doute, mais vu du grand trou, le grand trou face à la grande montagne, nous clamions notre innocence à l'éminence des altitudes, nous chantions des louanges pour les hauteurs, nous bêlions face aux grands, puis nous repartions dans le trou, ce n'était même pas un grand trou, c'était le petit trou dans le grand trou, le vrai grand trou avec dedans le petit trou sans importance, la petite pente sans gravité, la rigole, nous n'étions pourtant pas rigolos, nous n'étions que de la rigolade, de la rigolade sans nom, voilà ce que nous étions.

les poèmes délabrés deux mille onze

les poèmes délabrés

 

les poèmes délabrés

sont les poèmes qui sont écrits

pour durer pour que

ça dure un bon coup porté

à l'écriture un bon coup non de

reviens-y mais de c'est cuit

dans l'écrit

 

 

les poèmes qui durent

ont la peau la vie la dent

longue ils sont cuits

à point pour ne point

qu'on les lise

trop trop vite

 

car souvent les poèmes

sont à lire vite et

de travers quand on a

la pêche qu'on n'est pas

comme moi allongé rétamé

par terre en attendant

que ça cuise

 

oui, ça cuit je veux dire

sort ça finit par nous mettre

plus bas les poèmes c'est plus bas

que l'endroit même où je les ai

rétamé

 

 

je suis allongé par terre

je ne peux rien faire

je suis allongé

j'attends de pouvoir faire

je suis allongé là

depuis un bon moment

j'attends de faire

il me faut une autre

langue il me faut

un autre appareil

digestif ou

dentaire il me faudrait

les guiboles sinon

je suis cuit je

m'attends j'attends

qu'il passe

il ne passe pas

il est long il vient

il me regarde

il me dit : je te regarde

puis il s'en va

dégoulinant de sagesse

 


je suis en train de souffler, de m'essouffler, je m'essouffle pour pas m'essouffler encore plus, il faut tenir, bien mettre ses mains sur ses côtes, je tiens mes côtes, je n'ai pas envie de rire, je rigolerai plus tard, pour le moment je suis essoufflé, je reprends ma respiration, je n'en peux plus de respirer, qu'à cela ne tienne, il faut pourtant respirer, c'est-à-dire s'essouffler, coûte que coûte, je n'en peux plus, je vais m'allonger, ce n'est pas le moment de lâcher une blague, bien écouter son corps, prendre son temps, je n’entends rien, je continue de m’essouffler, bien m’essouffler surtout, surtout pas de blague, bien pousser l’air au fond et puis tirer à nouveau l’air des poumons, une bonne chose les poumons, penser à ça, une bonne chose de s’essouffler, surtout ne pas pouffer de rire, bien contrôler la situation s’allonger tout doux, rester à terre, bien s’allonger, rester bien quelques temps et attendre, il faut retrouver sa respiration, quelqu’un vient me voir, il va vouloir me chatouiller, rester concentré, oublier les ragots, les ragots viennent des regards, oublier ce type qui va me regarder avec ses regards plein de ragots, oublier la parole, oublier les gestes sauf l’essoufflement, tout doucement on s’essouffle, on reprend l’essoufflement tout doucement, on reprend jusqu’à perdre haleine, on reste bien allongé, on est regardé, surtout ne pas défaillir, l’autre s’approche, rester digne, ne pas pouffer, ne pas éclater de rire, ouvrir grand sa bouche, ouvrir plus grand encore, ouvrir encore plus grand, encore plus grand que grand, l’autre me regarde encore, puis il me laisse, je peux mourir de rire maintenant si je veux, l’autre a le dos tourné, je peux maintenant partir d’un éclat de rire si je veux.

 

 

 

Je tombe

Je n’en finis pas

Je tombe je finis pas

Demain peut-être

Je finirai de tomber

Demain tout sera fini

Je serai tombé

J’aurais fini par

joindre les deux bouts

ou l’utile à l’agréable

ou une pierre deux coups

je tombe c’est le bon moment

je n’ai pas raté ma chute

il y a des chutes

qui arrivent trop tard

ou trop tôt

la mienne tombe à point nommé

je tombe à point nommé

je n’en finis pas d’être à point

mais ça va se terminer

encore un moment

à la pointe et hop

je dévale les courants

une rigole

une petite rigole

on la suit

on se ramasse à la suivre

elle n’en finit pas

elle nous mène chez nous

c’est-à-dire dans un trou

c’est là qu’ils se terrent tous

mais moi j’ai choisi au départ

un petit monticule

j’ai pris un autre chemin qu’eux

j’ai pris la butte

mais je me suis sauvé aussi

j’ai dévalé la butte plus vite

que les autres sont entrés dans le trou

et là ils y restent toute la vie

dans mon souvenir certains

sont restés toute la vie

à l’intérieur de cette

bouche d’égout

car la rigole ne mène qu’à ça

on ne peut rien faire d’autre

dans la vie

que déboucher sur un espace

qui n’est qu’une bouche d’égout

 

 

 


je glisse

je glisse sur le côté

je me remets

je suis à la même hauteur

je disparais

je reviens

je glisse à nouveau

je descends vite

puis je remonte plus haut

j’espère rester longtemps

 

ça veut dire quoi espérer

qu’est-ce qu’on met dans espérer

on met une grosse couche

entre soi et la fin

on tire un fil

on espère que le fil sera long

qu’on n’en voit surtout pas le bout

pas trop vite

espérons que si je tire le fil

il ne se casse pas non plus

je vais tirer fort sur le fil

de toute mes forces

je m’agrippe

je tire pour voir le bout

j’espère rester en équilibre

pour voir le bout

je suis à un certain point

du bout

je gagne un point

et j’espère voir l’autre

l’autre bout et moi

c’est toute une histoire

l’autre bout et moi

c’est tout une vie fabriquée

avec des bouts de chandelle

comme on dit, et parfois

on gagne des points


je n’ai rien à percer en ce moment


je perce mes oreilles

je perce mes yeux

je perce mes dents

je perce mon appétit ( ?)

je perce ma chaussette

je perce qu’est-ce que je perce ?

je perce je perce

qu’est-ce que je perce ?

je ne sais pas qu’est-ce qui faut percer

il faut percer il faut percer


 

je vais dans l'ennui

 

je m'ennuie, je veux m'ennuyer encore plus, je veux être fort ennuyant et m'ennuyer fort, je veux redoubler d'ennui, aller au fond, tout au fond et faire un gros tas d'ennui, je redouble mes efforts, je fais de l'ennui, j'en fais partout, j'en cause, j'en peux plus de causer de l'ennui, nuit et jour je m'ennuie ferme, je retrousse mes manches, je vais à fond maintenant, l'ennui ne me fait plus peur.

 

Ne plus sa laisser aller à prendre des décisions.

 

l'exercice n'est pas fini

L'exercice n'est pas fini, rasseyez-vous sur vos chaises, ouvrez le bureau et prenez une feuille, reprenez votre stylo et écrivez ce qui va suivre : l'exercice n'est pas fini, rangez votre stylo et remettez votre feuille dans le bureau, refermez-le et levez-vous de la chaise, repoussez-là contre la table et écoutez : l'exercice n'est pas fini, tirez votre chaise et asseyez-vous, ouvrez votre bureau, reprenez votre feuille et votre stylo et écrivez à nouveau : l'exercice n'est pas fini, prenez cette feuille et rangez-là, rangez aussi votre stylo, levez-vous et remettez bien votre chaise et écoutez enfin ceci : l'exercice n'est pas fini, alors rasseyez-vous de suite sur la chaise et fouillez dans votre bureau pour retrouver le stylo et la feuille où c'est déjà marqué deux fois l'exercice n'est pas fini et inscrivez ceci à la suite : l'exercice n'est pas fini, puis levez-vous sans broncher, remettez la chaise sous votre table et écoutez attentivement ceci : l'exercice n'est pas fini...   

 

le béguin

Voici un son retrouvé pour un travail fait avec les participants du centre social du vieux Cambrai (le quartier de Selles) que j'ai rencontré durant 6 mois avec Cécile Richard, notamment. Ce travail (dessins, videos, textes, photos) était soutenu par la Drac Nord pas de Calais. Un livre devait se faire avec les services du patrimoine et de la médiathèque de Cambrai. Ca fait deux ans, il n'a toujours pas vu le jour et ne le verra sans doute jamais, ce qui est un beau foutage de poire vis-à-vis des habitants du quartier du chateau de Selles,...

Mais passons : Heureusement il reste un son, qui a permis un texte (qui s'appelait "le béguin") et ce texte je n'ai de toute façon pas hésité un seul instant à l'insérer dans Comprendre la vie, édité chez POL, à la page 218.

Ce son explique un peu la genèse du texte.